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apportiez à le copier avec exactitude, vous ne pourrez jamais arriver à le rendre avec une justesse parfaite. Vous sentirez toujours que vous n’avez pas véritablement saisi le simple & le noble de ses contours & de ses formes, & que vous êtes resté au dessous. Il est l’égal de la nature à cet égard, on n’est satisfait de ce qu’on a copié d’après elle & d’après lui, que lorsque l’original est absent. »

« On peut n’étudier ce peintre qu’avec le crayon ; sa couleur & sa manière de peindre n’ont rien de fort instructif…. Je vous exhorte à dessiner avec grand soin les belles têtes des Anges de l’Héliodore battu de verges…. L’école d’Athenes, la dispute du Saint-Sacrement, & quantité d’autres morceaux vous présenteront un grand nombre de belles têtes : il faut toujours préférer celles qui ont de la noblesse & de la grace, à celles qui n’offrent que des expressions violentes…. Il y a de belles têtes dans la bataille de Constantin ; mais à quoi sert, comme font plusieurs, de dessiner des études de têtes de chevaux de ce tableau ? N’est-il pas visible qu’olles sont manièrées, & qu’elles ne ressemblent pas véritablement à cet animal ? On apprendroit beaucoup plus en employant ce même temps à dessiner une tête de cheval d’après nature. »

« D’autres étudians se sont occupés, pendant des intervalles de temps considérables, à dessiner, grand comme le tableau, d’après Raphaël, des grouppes entiers avec les draperies. Cette étude est sans doute bonne à quelques égards ;…. Mais il n’y faut pas sacrifier trop de temps. De si grands dessins enconsommsent beaucoup, dont la plus grande partie se passe à ne faire que manier le crayon…. Ce qu’il ne faut pas négliger, c’est de prendre des croquis saisis avec esprit, de la souplesse & de la grace de ses figures, aussi bien que de ses draperies. On peut s’en rapporter aux estampes gravées d’après ce maître sur la composition générale de ses tableaux ; mais il en faut dessiner soi-même rapidement l’ensemble, esprit & le beau jet de draperies, afin que ces choses restent pour jamais dans la mémoire, & nous servent d’inspiration. Il faudra même étudier par des dessins finis, mais d’une grandeur médiocre, quelques unes de ses figures drapées, telle que certain vieillard qui est au bas du tableau de la transfiguration. Ce maître exécutoit ses draperies, & formoit ses plis d’une manière rendue, qui est admirable & excellente à imiter. »

Quoique depuis Raphaël on ait peint d’une manière plus moëleuse, & qu’on ait mis dans


le faire plus de ce que les modernes appellent du goût, on ne peut nier que Raphaël peignoit bien, avec beaucoup de propreté & un très grand fini. On doit même avouer que, dans ses derniers temps, il se formoit un bon genre de couleur. Il dessinoit plusieurs fois, pour une même figure, des extrémités & des morceaux de draperies.

Il n’est point d’Artistes, il n’est point d’ouvrages sans défauts ; mais Raphaël excelloit dans les grandes parties de l’art ; & le Carrache, excellent juge, a prononcé qu’il n’avoit que les plus petits défauts.

Entre les tableaux de ce maître qui sont au cabinet du Roi, on doit distinguer, 1˚ le silence de la Vierge : la tête qui est de la plus grande beauté, respire en même temps la noblesse & la douceur, 2˚ La sainte famille, qui offre d’autant plus de beautés, qu’on la considére avec plus d’attention, 3˚ le saint Michel victorieux du démon, tableau de la plus haute poësie, & de la plus grande élégance de dessin. La tête de Saint-Michel, vraiment angélique, douce & terrible à la fois, est de la plus sublime expression. 4˚. Le portrait de Jeanne d’Arragon Reine de Sicile, dont la tête seule est de la main de Raphaël, & cette tête est d’une bellecouleur.

Entre les estampes gravées d’après Raphaël par Marc-Antoine, la plus célébre est le massacre des Innocens. Embarrassé par le trop grand nombre de pièces, je ne citerai d’ailleurs ici que la sainte amille du cabinet du Roi gravée par Edelinck, le saint Michel du même cabinet par Rousselet, la transfiguration & les cartons d’Hamptoncourt par Dorigny. On grave à présent les tableaux du Vatican, dont il a déja paru plusieurs beaux morceaux.

(10) Jean-Antoine Regillo, dit le Pordenon, de l’école Vénitienne, naquit au bourg de Pordenone dans le Frioul, en 1484 : son véritable nom étoit Eicinio, mais il le changea en celui de Regillo, lorsque l’Empereur l’eut fait chevalier. Il reçut à Udine les premiers principes de son art ; & dut ses progrès à la liaison qu’il forma à Venise avec le Giorgione. Il ne tarda pas à exciter, l’envie du Titien, & dans la crainte de recevoir quelqu’insulte de ce rival, il ne quittoit pas même l’épée pour travailler. Sa réputation ne s’arrêta pas à Venise & à Mantoue qu’il enrichissoit de ses tableaux ; elle alla jusqu’en Allemagne où il fut mandé par l’Empereur Charles-Quint. La façade d’une maison de Venise qu’il décora d’une fresque, fit tant de bruit que Michel-Ange entreprit le voyage de cette ville pour voir cet ouvrage, & il avoua que les éloges qu’on en avoit faits n’étoient point exagérés. Le Pordenon réussissoit également à fresque & à l’huile,


Beaux-Arts. Tome II . B