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des exagérations qui ajoutent ane sorte de charge à la nature, & qui la rendent plus facile à saisir que lorsqu’elle est dans le calme. Mais les expressions fines & douces tiennent à une altération fi subtile, à des changemens si délicats dans les formes, que les dessinateurs les plus purs sont parvenus seuls à les rendre. Loin de nuire à la beauté, elles lui ajoutent de nouveaux charmes, & ce n’est point avec prestesse, ce n’est pas en jouant avec les couleurs & le pinceau, qu’on parvient à l’expression de la beauté ; elle est le prix du travail le plus réfléchi.

L’artiste qui a eu le temps de mesurer son esprit & ses forces, doit se livrer surtout aux parties de l’art auxquelles la nature l’a destiné. Qu’il se livre à la prestesse, si c’est par elle qu’il doit surtout se distinguer. Mais puisqu’elle est contraire aux parties de l’art qu’on peut regarder comme supérieures & capitales, ce seroit une grande faute aux maîtres d’inspirer à leurs élèves le desir de se distinguer par la prestesse (L).


PRIMITIVE, couleurs primitives ; elles ne sont dans l’art, qu’au nombre de trois, le rouge, le jaune & le bleu. Le jaune combiné avec le bleu produit le verd ; le rouge combiné aussi avec le bleu produit le violet, & avec le jaune, l’orangé. Le blanc & le noir ne sont pas comptés au nombre des couleurs ; le blanc représente la lumière & le noir sa privation. On a calculé que les diverses combinaisons de ces premières couleurs montent à plus de huit cens ; on ne doit donc pas être surpris que les anciens aient pu peindre avec trois couleurs en y joignant le noir & le blanc ; il n’est pas même impossible qu’avec ces secours si simples, il y ait eu entre eux de bons coloristes. Les couleurs que les peintres employent aujourd’hui, & qui sont les mêmes dont le Titien, Rubens & les coloristes les plus célèbres ont fait usage, ne sont pas en fort grand nombre : elles ne fournissent que des couleurs sales, martes, ternes, fades, désagréables à ceux qui savent mal les employer ; mais elles procurent des teintes enchanteresses aux artistes qui possèdent la magie dont elles sont les instrumens : impuissantes par elles-mêmes, elles doivent tous leurs effets à la science du magicien (L).


PRINCIPAL, objet principal. Il faut qu’il y en air un dans quelqu’ouvrage que ce soit : il est le foyer dont tous les objets partent comme autant de rayons ; c’est de lui qu’ils émanent, c’est à lui qu’ils aboutissent : tous lui sont subordonnés, & si cette subordination n’est pas bien observée, l’unité est perdue,


& l’intérêt se perd avec elle, puisque nécessairement il doit s’affoiblir aussitôt qu’il se partage. Cette loi est celle de tous les arts, aussi bien que de ceux qui dépendent du dessin (L).


PRINCIPE (subst. masc.) On appelle principes de l’art, les règles, les lois qu’il doit observer. Nous ne ferons pas un article particulier de ces principes, puisque la plupart des articles de ce dictionnaire ont pour objet de les établir.

On appelle aussi principe d’une chose ce qui la constitue, ce qui lui est essentiel. Les différens genres de peinture ont leurs principes différens. Celui de la peinture d’histoire est l’expression ; celui du portrait, la ressemblance ; celui du paysage, l’effet ; celui de la nature morte, l’illusion. Confondre ces principes, c’est obscurcir les idées qu’on doit se former de chaque branche de l’art, & l’art souffrira de cette confusion des idées.

Les artistes, dit M. d’Hancarville, (Discours sur la sculpture & la peinture dans le tome II des antiquités Étrusques, &c.) cherchant des routes nouvelles pour donner de la considération à leurs ouvrages, ont totalement abandonné celle que Raphael avoit suivie avec tant de gloire, & ont bien montré combien sa méthode étoit sure & sa perte irréparable. On n’avoit garde de dire, au temps de ce grand homme, qu’un tableau étoit sans effet, lorsqu’il montroit d’une manière convenable le sujet pour lequel il étoit composé ; lorsque toutes les figures exprimoient ce qu’elles devoient exprimer, de la manière dont elles le devoient ; lorsque, dans un concert bien ordonné, il n’y avoit pas de partie qui ne se liât avec le tout, point de figure qui ne parût nécessaire, pas un mouvement qui ne fût relatif à l’action, enfin pas un sentiment qui ne contribuât à en faire naître un tout semblable dans l’ume du spectateur étonné. Cette marche étoit difficile ; il falloir sans douta beaucoup de raisonnement & d’intelligence, beaucoup de connoissance des affections de l’ame & des pallions humaines, pour faire un bon tableau ; & comme l’esprit & le cœur y contribuoient également, ils y trouvoient ensuite de quoi le contenter. Cependant des maîtres nouveaux sont venus ; ils ont regardé les difficultés essentielles à l’objet de l’art comme des obstacles fâcheux qui rallentissoient leurs opérations, & qu’il convenoit d’abbatre pour n’être pas toujours dans l’embarras de les franchir. Ainsi, au lieu d’accommoder leur méthode à la nature de la chose, ils ont assujetti la nature même de la chose à leur méthode : dès-lors on n’a plus demandé