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l’aspect que présentent les contours d’un objet vu de côté.

Dans l’art de peinture, on applique plus ordinairement ce terme à la figure humaine qu’à toute autre, & plus particulièrement encore à la tête vue de manière à appercevoir la moitié du visage.

Le mot profil emporte même tout seul cette signification, ensorte que lorsqu’on dit : « le profil de cet homme a un grand caractère », on entend parler du caractère de son visage ou de sa tête vue à moitié.

L’usage de dessiner les têtes de profil remonte aux temps les plus éloignés. On peut penser qu’il appartient aux premiers essais de l’art, parce que l’ombre en présente le modèle, qui a dû exciter les hommes à l’imiter. C’est sans doute d’après cette observation que s’est établie la fable charmante de Dibutade traçant à la lueur d’une lampe le profil de son Amant prêt à se séparer d’elle. Il est fort vraisemblable que l’amour ait suggéré plus d’une fois ce moyen d’adoucir les regrets de l’absence, & il est peut-être aussi naturel (si Dibutade n’a pas existé) qu’une fable fondée sur la plus naturelle des passions, & appuyée par l’imitation d’un effet qui se renouvelle sans cesse à nos yeux, soit adoptée & consacrée.

On doit observer encore que l’usage de dessiner des têtes de profil, a dû être inspiré aux hommes réunis presqu’aussitôt qu’ils ont établi des monnoyes, signes représentatifs indispensables, parce que ces signes ont besoin d’une marque imposante qui leur donne cours & que la marque qu’on a été porté à leur imprimer a dû être le plus souvent le profil de ceux qui ont exercé une autorité supérieure.

C’est par ces imitations que se sont conservés, depuis les âges les plus reculés & de temps immémorial, les ressemblances des princes, des héros, des sages, des hommes célèbres par les preuves historiques les plus incontestables, & les témoignages les plus authentiques de l’existence de l’art & de ses variations.

Les cachets, autre signe nécessaire au secret & à l’autorité, ont été de tout temps caractérisés par les profils des hommes dont la ressemblance rappelloit les droits supérieurs. Enfin les pierres précieuses, transformées en objets de luxe, ont reçu, à l’aide de l’industrie, des empreintes & sur-tout des profils chers à l’amour ou à l’amitié.

C’est ainsi que les profils ont été indiqués par la nature dans les effets de l’ombre, qu’ils ont été destinés, par une nécessité de convenance, à des usages publics, & que l’usage en a eté employé pour la gloire nationale & pour des intérêts plus personnels. Et l’on peut


croire enfin que l’invention de cette partie de l’art est à-peu-près aussi ancienne parmi les hommes que la civilisation, elle doit se perpétuer & durer autant qu’elle.

Mais le caractère ou le mérite de ces sortes de représentations éprouveront des variétés de perfection & d’imperfection, témoignages certains des progrès & des rétrogradations de l’art.

En effet les siècles renommés par les succès des artistes peintres, & sculpteurs, sont désignés par la beauté des profils, conservés dans les médailles choisies de ce temps, & dans les pierres gravées, Quant aux variétés de perfection dont je viens de parler, elles conduisent à parler de ce qui constitue la beauté du profil, & cette discussion doit se terminer en renvoyant ceux qui veulent être instruits, aux formes choisies que les Grecs ont données aux contours de la figure humaine, d’après leurs études, d’après le beau choix qu’ils ont su faire, & d’après les idées qui contribuèrent à élever leur génie jusqu’au sublime dans cette partie, comme dans plusieurs autres.

Au reste il résulte, je crois, de l’observation de leurs chefs-d’œuvres, que la forme ovale est celle dans laquelle on trouve la plus grande beauté des têtes & par conséquent celle des profils.

Mais pourquoi cette espèce de courbe possède-t-elle ce droit exclusif ? Voilà ce qu’il est assez difficile d’expliquer, sans risquer de tomber dans les idées métaphysiques & souvent obscures, où se sont égarés plusieurs de ceux qui l’ont entrepris.

Je hazarderai cependant de dire que la reflexion & l’observation semblent indiquer que l’ovale est doux à l’œil, parce que sa courbe prolongée n’a ni l’uniformité de la ligne droite, ni la courbure trop abrégée & trop déterminée du cercle parfait ; & l’on voit en effet que le développement de l’ovale laisse appercevoir tous les points qui forment cette courbe, au lieu que dans un contour plus arrondi, il se trouve nécessairement des raccourcis, c’est à dire, des parties qui se dérobent, pour ainsi dire, les unes les autres. On peut donc se rendre compte, d’après ces observations, si on les adopte, des raisons pour lesquelles un profil plat, a quelque chose d’uniforme qui déplaît ; pourquoi un profil trop rond fait paroître les distances des parties trop rapprochées : & enfin pourquoi le profil, faisant partie de l’ovale de la tête, plaît davantage. Aussi voyons-nous que les profils absolument ronds ou concaves, produisent des difformités & donnent lieu à la dérision ; ce qui provient, quant à la difformité, de ce que les parties, comme je l’ai dit, se raccourcissent, se rapprochent & occasionnent des contrastes


Beaux-Arts. Tome II. F f