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274 SAG SAL

C’est à cette seconde partie que se rapporte l’idée qu’exprime le mot sage. En établissant cette division, on conçoit que, dans l’ordre des convenances dont j’ai parlé principalement au mot goût, l’intention d’un tableau doit être sage, c’est-à-dire convenable ; mais on apperçoit aussi que si ce précepte est juste, il est, comme je l’ai dit, un peu vague. On doit observer encore que, par un effet assez ordinaire aux termes qui offrent un mêlange d’idées de méchanisme & de théorie, le sens du mot dont il s’agit s’est détourné de sa signification ; car, dans les atteliers, on appelle généralement sage ce qui est simple & sans recherches.

On dit : « cette figure est sage ; » c’est-à-dire qu’elle a une disposition simple & naturelle. On dit aussi : « cette composition est sage » ; & l’on veut alors faire entendre que l’ordonnance n’en est point compliquée, &, comme l’on dit, tourmentée.

Dans les arts, comme parmi les hommes, sagesse, simplicité, naturelle, sont des termes qui ont des rapports intimes entr’eux. Bienséance, convenance, décence & bon goût font la base des régles données aux arts pour leur perfection, & aux hommes pour leur avantage.

(Article de M. Watelet.)

SAGESSE, (subst. fem.) Ne pourroit-on pas dire qu’elle est dans les arts, comme dans la conduite des hommes, l’observation des loix que prescrit la raison ? Un dessin sage, une composition sage, une attitude sage, sont un dessin dans lequel l’artiste a eu la sagesse de ne pas s’écarter de la raison & de la nature ; une composition sage est celle dont la raison a dirigé l’ordonnance ; une attitude sage est celle que prend un homme qui jouit de sa raison, & que des passions violentes n’écartent pas des mouvemens paisibles qui s’accordent avec le calme de l’ame. Les artistes qui ne consultent ni ne respectent la raison traitent la sagesse de froideur : cependant il n’est permis de s’en écarter que lorsqu’on représente une scène impétueuse, dont les personnages sont supposés être enlevés eux mêmes à la sagesse par l’effervescence de leurs passions.

L’effet a aussi une sagesse qui lui est propre. Il est destiné à assurer, à fortifier l’impression du sujet, & il est sage quand il s’accorde avec sa destination.

Lorsque le sujet exige des mouvemens violens dais la composition, cette composition ne sera pas contraire à la raison, mais on ne dira pas qu’elle est sage, parce que la sagesse emporte avec elle une idée de tranquillité. L’artiste a eu raison de représenter comme il convenoit des personnages qui ne jouissoient pas du calme de leur raison : il a été sage & rai-


sonnable lui-même ; mais sa composition n’est pas sage & ne devoit pas l’être. (L)

SALE, (adj.) On dit des couleurs sales, un pinceau sale. La même palette qui fourniroit à un peintre habile les teintes les plus fraîches, les plus brillantes, ne fournira au peintre qui ne saura pas en tirer parti que des teintes sales & brouillées. Si l’on tourmente les couleurs, si on les mêle entr’elles sans intelligence, on ne produira qu’un ouvrage sale dont l’œil des spectateurs sera rebuté.

SALIR (verbe act.) Quoique l’adjectif sale se prenne toujours en mauvaise part, il n’en est pas de même du verbe salir. Des censeurs intelligens conseillent quelquefois à un peintre de salir des tons trop brillans. Ce n’est qu’en salissant habilement certaines parties d’un ouvrage, qu’on donne à d’autres l’éclat qu’elles doivent avoir.

SC

SCÉNOGRAPHIE, (subst. fem.) C’est l’art de peindre des scènes, des décorations. Les anciens ont aussi employé ce mot pour exprimer l’art de mettre les objets en perspective, parce que cette science a été d’abord consacrée à la peinture des décorations. Vitruve nous apprend qu’elle existoit dès le temps d’Eschyle.

SCIENCE, (subst. fem.) Voyez sur les sciences nécessaires aux artistes, l’article qualité. Mais les artistes sont trop occupés de l’exercice de leur art, pour se promettre d’acquérir par des lectures toutes les connoissances qui pourroient leur être utiles, & qui exigeroient seules l’emploi de leur vie entière. Que pour réparer ce qui leur manque, ils suivent du moins les conseils de M. Reynolds.

« Quelques écrivains qui ont traité de la peinture, dit ce savant peintre, semblent avoir porté les choses trop loin, quand ils ont prétendu que cet art demande une science si universelle & si profonde, que la seule énumération des connoissances qu’il faut posséder suffit pour effrayer le jeune artiste. Vitruve, après avoir parlé du nombre infini des qualités naturelles & requises nécessaires à l’architecte, ajoute gravement qu’il doit être bien versé dans la jurisprudence, afin de ne pas être trompé dans l’acquisition du terrein sur lequel il veut bâtir. » « Mais, sans donner dans ces exagérations, on peut dire avec verité & certitude qu’un peintre doit posséder plus de science qu’il n’en peut trouver sur sa palette & dans son modèle, soit qu’il étudie la nature ou quelque