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SCI SCU 275


production de l’art : car il est impossible de devenir un grand artiste, lorsqu’on est absolument ignorant. »

« Quiconque s’occupe à faire des descriptions, ou par écrit ou sur la toile, doit avoir une idée passable des poëtes dans une langue ou dans une autre, afin de se pénétrer plus ou moins de l’esprit poëtique & d’étendre le cercle de ses idées qu’il doit s’accoutumer à analyser & à comparer. Il faut aussi qu’il ne soit pas entièrement ignorant dans cette partie de la philosophie qui apprend à connoître l’homme, & à saisir les passions & les affections de l’ame, ainsi que les divers caractères & les différentes habitudes qui en résultent. De plus il est nécessaire qu’il ait une légère teinture de l’esprit de l’homme, & une connoissance approfondie de la structure de son corps. »

« Il ne faut donc pas que le peintre se livre à la lecture au point qu’il nuise par là à la pratique de son art, & qu’au lieu d’un artiste, il devienne un critique ; mais si l’usage d’un bon livre lui sert de récréation dans ses heures de loisir, il parviendra à étendre ses connoissances, & à orner son esprit, sans porter préjudice à ses travaux journaliers. »

« Er ce qu’une lecture trop peu suivie lui laissera désirer, il pourra l’apprendre par l’entretien des gens instruits & sensés, qui est le meilleur moyen & le plus sûr pour ceux à qui leurs occupations ne permettent pas de donner beaucoup de temps aux livres. Nous ne manquons pas aujourd’hui de personnes versées dans les sciences, & qui se sont un plaisir de communiquer leurs idées aux artistes curieux & dociles, lorsque ceux-ci leur témoignent l’honnêteté & la déférence qui leur sont justement dûes. Les jeunes artistes peuvent se flatter d’être admis avec le temps, dans ces sociétés lorsqu’ils s’en rendent dignes. Là, sans aucune instruction formelle ou directe, ils apprendront insensiblement à sentir & à penser comme ceux avec qui ils vivent & conversent, & à se former un systême raisonné de goût, que, par l’application des vérités générales à leurs idées particulières, ils sauront réduire peut-être à un plus exact & plus juste degré, que ne pourroient le faire ceux même de qui ils ont emprunté les idées primitives. »

(Extrait du septieme discours de M. Reynolds).

SCIOGRAPHIE, (sust, fem.) Ce mot signifie peinture des ombres, & les Grecs l’employoient dans le même sens que nous donnons au mot clair-obscur, que nous avons emprunté de l’italien schiaro-scuro. Appollodore fut


le premier des peintres Grecs qui fût rompre les couleurs, & exprimer, la privation de toute couleur dans les ombres. Pline dit qu’il fut le premier qui sut arrêter les regards, & c’est à quoi l’on ne parvient que par le jeu & l’opposition des ombres & des lumières. Sans cette partie, un ouvrage peut avoir beaucoup de mérite, mais il n’appelle pas. Les succès d’Apollodore lui méritèrent, de la part des Grecs, le surnom de Sciographe ; (peintre des ombres, peintre du clair-obscur). C’est ce que nous apprend Hésychius, & ce fait est de quelqu’importance pour l’histoire de l’art chez les anciens. (L)

SCULPTEURS. ([1]) Nous ne consacrons cet article qu’à l’histoire des sculpteurs qui ont paru depuis la renaissance de arts. On trouvera les sculpteurs de l’antiquité dans l’article suivant qui sera consacré à l’histoire de l’art antique.

On a pu voir, à l’article École, que ce sont des peintres appellés de la Grece qui ont fait revivre la peinture en Italie, d’où elle s’est répandue dans les autres États de l’Europe. Les Grecs, depuis longtemps, avoient cessé de faire des peintures profanes ; mais l’art de peindre avoit toujours subsisté chez eux, uniquement consacré à la religion, & seulement exercé par des ouvriers sans intelligence qu’ils nommoient faiseurs d’images, ειχονογραζοι Célèbres dans l’antiquité par leur talent dans la sculpture, ils avoient entièrement oublié cet art, parce que les statues, qu’ils nomment idoles, leur étoient interdites par la religion. La sculpture avoit au contraire toujours subsisté dans les pays soumis à l’église Romaine qui décore ses temples de statues ; & si l’art avoit péri, le métier n’avoit jamais été oublié. On ne faisoit, il est vrai, que des figures gothiques, sans souplesse, sans mouvement, sans proportion, sans intelligence ; mais enfin on faisoit des figures, & pour remonter du métier à l’art, il ne falloit que se livrer de meilleures études. Les noms des sculpteurs gothiques sont oubliés & doivent l’être, parce qu’on ne consacre pas la mémoire d’artisans maladroits.

C’étoit à la peinture ressuscitée à faire revivre l’art de la sculpture, & la Toscane qui avoit vu naître les premiers peintres artistes parmi les modernes, devoit aussi donner naissance aux premiers sculpteurs. Déjà Massolino avoit donée une sorte de grandeur & quelque mouvement

  1. (1) Nous devons la plus grande partie des matériaux de cet article à l’ouvrage intitulé : Vies des fameux architectes & sculpteurs, par M. D…, de l’Académie Royale des Belles-Lettres de la Rochelle. 2 vol. in-8o, Paris, 1787.
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