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226 S C U & qu'on leur reproche de n'avoir pas le talent qu'on ne leur a pas fourni le moyen d'exercer, on prétendit que l'Algarde, tout habile qu'il étoit à modeler, ne seroit plus le même si on lui confioit quelque grand ouvrage en marbre. Il fit enfin pour la sacristie des prêtres de l'Oratoire, la figure de Saint-Philippe de Néri, & il prouva que, dans son habileté à tailler le marbre, il ne le cédoit point à ses rivaux. Il prouva bien plus, en faisant bientôt après pour l'église des Barnabites de Bologne, le groupe de la décoration de Saint-Paul ; c'est qu'il n'avoir point de supériour dans l'art de la composition, dans la beauté de l'expression & du caractère. On admira l'expression pathétique de la figure du saint ; on admira plus encore la figure du bourreau. Et il en faut convenir, les modernes ont plus complettement réussi dans ces sortes de figures que dans celles de héros ou de créatures célestes, & c'est en quoi ils se montrent surtout inférieurs aux anciens : mais il faut peut-être moins accuser le génie des modernes, que les modèles vivans dont ils peuvent disposer. Ils ne sont leurs études que d'après des hommes grossiers ; ils ne peuvent même se les procurer à leur choix ; & les Grecs avoient des occasions fréquentes de voir s'exercer sans vêtemens une jeunesse choisie.

L'Algarde entreprit ensuite le tombeau de Léon XI, placé dans l'église de St. Pierre, & fit bientôt après, pour cette même église, le plus célèbre de ses ouvrages : c'est ce fameux bas relief d'Attila, où ce conquérant féroce est représenté s'éloignant de Rome & prenant la suite, effrayé de l'apparition menaçante des Saints Apôtres Pierre & Paul. Cet ouvrage a trente-deux pieds de haut sur dix-huit de large. Les figures du devant sont entiérement de relief, & la dégradation perspective est de cinq pieds effectifs de profondeur. Les figures du premier plan ont près de quatorze pieds de proportion. « Le roi des Huns, dit Dandré Bardon, isolé dans sa partie supérieure, est soutenu dans son saillant par un grouppe de figures si artistement dégradées, qu'elles vont insensiblement se confondre dans le fond. Saint-Léon partaît sur le second site du ba-relief. Ces deux figures sont liées par la médiation d'un page qu'elles couvrent d'une large demi-teinte, propre à relever leur éclat & leur saillant. Saint-Pierre & Saint-Paul planent dans les airs : ils sont traités d'un relief assorti à leur situation. Une douce saillie leur prête tout à la fois la légereté qui leur convient & la consistance nécessaire au soutien du reste de la composition, avec laquelle ils sont grouppés par l'entremise des nuages. Les finesses &


la fierté des travaux sont partout ménagées, en proportion du caractère & de la place des figures. Tout y concourt à la vérité des effets, & à la peinture énergique de la surprise d'Attila, menacé par Saint-Léon de l'indignation des deux Apôtres, s'il exécute, le projet de venir saccager Rome. »

Des hommes dont leur mérite dans les arts donna un grand poids à leur jugement, n'hésitent pas à préférer ce bas-relief à tous ceux de l'antiquité, & ils s'en servent même, comme d'un exemple frappant, pour critiquer la pratique des anciens dans leurs compositions en ce genre. D'autres juges non moins imposans, regardent ce qui fait l'admiration des premiers, comme un brillant défaut, & comme une infraction des loix qu'impose la nature du genre lui-même. Les uns & les autres s'appuyent sur des raisonnemens au moins trèsspécieux.

Le même artiste a fait la statue en bronze du pape Innocent X. La fonte manqua : le statuaire paroissoit inconsolable ; mais le pontife lui rendit le courage par une riche récompense, & par la décoration de l'ordre de Christ. L'Algarde recommença la fonte, elle réussit, & c'est la plus belle statue de pape que l'on voye à Rome. Après un accident bien moins considérable, on se plut à rassèmbler les dégoûts sur un artiste qui vit encore : M. Falconet ne se laissa point abbatre par les menées de ses ennemis ; il répara les défauts de la première fonte par une seconde fonte partielle, qui termina la belle statue équestre de Pierre I.

Nous ne citerons plus des ouvrages de l'Algarde que fon Christ en croix qui a été multiplié par un grand nombre de sculpteurs, & qu'on nomme le crucifix de l'Algarde. Cet artiste s'est aussi distingué dans l'architecture, & a gravé quelques planches à l'eau-forte. est mort en 1654, âgé de cinquante-deux ans. Le grand nombre de ses ouvrages rend témoignage à sa facilité. Cette facilité est d'autant plus étonnante, qu'il avoit trente-huit ans lorsqu'il fit son Saint-Philippe de Néri, le premier morceau où il ait eu occasion de travailler le marbre en grand. On lui a reproché d'avoir tin peu trop marqué le soin recherché qu'il donnoit à ses têtes, & d'avoir été quelquefois maniéré dans ses draperies.

Ecoutons, sur cet artiste, le sévère jugement de Mengs. « L'Algarde commença, diril, à introduire dans la sculpture le style que les peintres de son temps avoient déjà adopté : c'est-à-dire qu'il chercha à se servir dans son art de la même imitation qu'on employe dans la peinture, qui consiste à chercher les effets du clair-obscur, à aggrandir certaines parties propres à frapper la