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où il s’arrêtoit. Amené en France par le Cardinal de Lorraine, il pouvoit être employé aux travaux de Fontainebleau ; mais il dégouta bientôt par son humeur le Primatice qui l’avoit d’abord bien reçu. Enfin il mourut à Rome en 1563 des chagrins qu’il s’étoit lui-même attirés. Il parloit mal de tous les artistes, affectoit de les mépriser, & déplaisant par son humeur difficile, il se voyoit souvent préférer des rivaux qui ne le valoient pas. Plus il se louoit lui-même, plus il provoquoit à l’humilier, & par son orgueil & sa causticité, il se rendoit l’artisan des traitemens fâcheux qu’il éprouvait. Il étoit dessinateur élégant & correct ; mais on lui reproche de la sécheresse dans les contours. Ses draperies étoient larges & légères, ses carnations tendres, ses conceptions gracieuses. Il reussissoit dans l’histoire, les décorations & le portrait.

On voit à Paris, dans l’église des célestins, une descente de croix de ce maître : on ne voit de lui au cabinet du Roi qu’un seul tableau qui est en très mauvais état, & qui a été presque généralement repeint. On peut cependant reconnoître encore que le paysage en est large & de bon goût, & que, malgré des incorrections, le dessin est d’un grand caractère.


(29) Georges Vasari, de l’école de Florence, né à Arezzo en 1510, d’abord élève d’un peintre sur verre & ensuite d’André del Sarte & de Michel-Ange. Il fut appellé aux arts par son penchant bien plus que par la nature. Mal recompensé de ses ouvrages, il se livra à l’orfévrerie, ne trouva pas la fortune plus favorable dans cette nouvelle profession & reprit les pinceaux. Il dessina toutes les sculptures antiques, toute la chapelle de Michel-Ange, tous les ouvrages de Raphaël, & ne fit que prouver, par son exemple, que le travail opiniâtre ne peut remplacer le génie. Il étoit bon dessinateur, bon architecte ; il entendoit bien la partie des ornemens. Il a fait un si grand nombre d’ouvrages qu’on a peine à croire qu’un seul homme ait pu les produire : s’il avoit de la sécheresse dans le pinceau, de la foiblesse & de la dureté dans les couleurs, de la manière dans les draperies, il réparoit souvent ces défauts par l’exactitude & la science des formes, & par le beau caractère des têtes : cependant comme il ne doit ses qualités louables qu’à l’étude & non au génie, comme on sent qu’il n’est quelque chose que par imitation de ceux que la nature avoit fait grands, il ne s’est pas acquis un nom célèbre dans les arts : ou plutôt son nom même seroit oublié, s’il ne s’etoit pas fait une réputation comme écrivain. Il vit, non parce qu’il s’est traîné sur les traces des grands maîtres ; mais parce qu’il nous a transmis leur histoire. Cet


homme estimable comme artiste, très connu comme écrivain parce qu’il a bien choisi son sujet, respectable par ses mœurs, est mort à Florence en 1578, âgé de soiae & quatre ans.


(30) Jacques da Ponte, dit le Bassan, parce qu’il est né dans la ville de Bassano. Il appartient à l’école Vénitienne. Il naquit en 1510, & eut pour maître son père, peintre médiocre : ou plutôt il fut l’élève des ouvrages, du Titien. Dès qu’il se fut perfectionné, il retourna dans sa ville natale, qu’il ne quitta plus que pour aller vendre ses ouvrages à Venise. C’est à son sejour dans une ville inférieure, à la situation de sa maison sur les bords de la Brenta, à la vue continuelle de la campagne, qu’il faut attribuer le genre auquel il s’est livré. Il est difficile de décider si ses tableaux appartiennent plutôt au genre de l’histoire, qu’au genre champêtre & à celui des animaux ; ou plutôt il s’est créé un genre mixte dans lequel on regrette de ne pas trouver la noblesse de l’histoire.

Comme il a toujours vécu dans la retraite, sa vie n’offre aucun événement. Il est mort dans le lieu de sa naissance, en 1592, à l’âge de quatre-vingt-deux ans.

Il revêtoit ordinairement ses figures en paysans, même dans les sujets historiques, & ne s’appliquoit jamais à l’expression. La nature ne l’avoit pas formé pour les genres qui exigent de la dignité ; son dessin manquoit d’élégance & de noblesse, le costume étoit toujours négligé dans ses ouvrages, ses draperies étoient de mauvais goût, sa composition étoit bizarre : souvent il affectoit de jetter dans l’enfoncement ses figures principales ; ses ordonnances étoient presque toujours les mêmes, il répétoit souvent la même disposition de grouppes ; il plaçoit trop haut la ligne horisontale ; cependant son pinceau gras & pâteux, la beauté de ses demi-teintes, la vivacité de sa couleur locale, une savante négligence d’exécution, une vérité naïve, un certain agrément dans les têtes qui plaisent sans être belles, lui assurent un rang distingué entre les grands maîtres. Il faisoit le paysage de très bon goût, réussissoit très bien dans le portrait, & excelloit dans la peinture des animaux.

Le Roi posséde douze tableaux de ce maître ; nous nommerons seulement l’entrée & la sortie de l’arche, une vendange, & la nativité de Jesus-Christ, tableau remarquable par la magie du clair-obscur, & même par l’ordonnance. « Rien de plus simple & de plus sage en même temps, dit Lépicié, que la disposition des principales figures… Les postures expriment d’une manière naïve les sentimens dont ils sont pénétrés… Le sujet éclairé par l’en-