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Le.J ?yle gracieux confîfle à donner aux figures des mouvemens aifés, modérés, délica’-s, plus modefres que fiers. L’exécution en doit être facile , luave , variée, mais fans tomber dans la manière.

Apelles, fuivant le témoignage <3es Grecs , avoir porté cette partie à un degré fupérieur. Mais il faut remarquer ici que les anciens avoientjde lagiace, une idée toute différente de celle que nous nous en fermons aujourd’hui. En comparart la grâce que nous donnons à nos ouvrages de peinture avec celle des anciens, la nôtre ne paroîtra qu’une affeûarion théâtrale qui ne convient pas à la beauté parfaite , & qui ne confifte, po-.ir aind dire, qu’en certains gefles , certains mouvemens, certaines attitudes, qui, loin d’être naturels, font plutôt pénibles & ; même violens, ou qui reffemblent à ceux des enfans, comme on le voit dans quelques ouvrages du Corrège même, & plus encore dans ceux du Parmel’an & d’autres peintres qui ont fuivi la même route. Ce n’étoit pas de cette manière que les anciens exprimoient la grâce : elle étoit chez eux un caractère qui lenoit à l’idée du beau, & confiftoit à nous fa’re appercevoir dans -la beauté ce qui contribue fur-tout à la rendre agréable. Les modèles les plus parfaits que les Grecs nous aient donné de ce Jlyle , font la "S’énus de Médicis, l’Apoliino, l’Hermaphrodite de la yilla Bor-hefe, ce qui refbe d’antique du beau Cupidon de la même Vigne , & pU.fieurs autres ilatues, Raphaël a bien donné la vraie grâce aux mouvemens des figures ; mais il lui manquoit ceperidant une certaine élégance dans les fermes & dans les contours, & fon exécution a quelque chofe de trop prononcé & : de trop déterminé.

Le Corrégepeut fervir de modèle pour lejîyle gracieux dans les contours, dans le clair-obfcur, & : d.tns tout ce qui efi : compris fous le nom d’exécution. Cet artifi-e pofféJoit au plus haut degré la partie dont fe vantoic Apelles, quand il ûifoit de lui & de Protogène qu’iis étoient égaux dans tout le refle ; mais que celui-ci ne favoit pas quand il falloir s’arrêter ; voulant donner à entendre par là que le trop grand travail nuit à la grâce des ouvrages de l’art , & qu’il eft contraire au jîyle gracieux. Le ftyle exprejjif e& celui d’un auteur qui a fait de l’expreflion le principal but de fon travail. On peut propofer Raphaël comme un parfait modèle de ce fiyle jamais perfonne ne l’a furpaffé dans cette partie. Les anciens Grecs ont préféré la beauté à l’expreflion ; trop fenfib’e = à la perfedion , ils craignoient de dégr. .der les formes par l’altération qu’occafionnent les paflions violences.

Aucun desartiftes modernes n’a fu faifir auffi bien le juûe d^gré de l’expreflion que Raphaël, S T Y

qui femble avoir fait le portrait des perfonnages qu’il a mis fur la fcêne , tandis que la plupart des autres maîtres , quoique d’un grand mérite, n’ont peint que des el’pèces de perfonnages factices ou fcéniques, qui paroifient vouloir imiter les aflions des peribnnes qu’ils rcprélentent ; cesexpreiïïons manquées dégénèrent en pure affeclation, ik prouvent que les aniftes qui les ont traitées ne fs font pas pénétrés dé la palïïon qu’ils vouloien : rendre, & qu’ils ont cherché feulement à donner à lei :rs figures une attitude pittorefque. Des peintres, efti» mables d’ailleurs, n’ont fait confifter l’expreffion que dans certaines aâions particulières ; d’autres font abfulument froids & fans vie. Mais Raphaël a généralement bien réulfi dans toutes les parties. & fon exécution correfpond parfairement a’i JîyU qu’il s’eft propoië. .e. flyis naturel eft c ;lui par lequel l’artifte ne cherche qu’à rendre la nati ;re même, fans la corriger & fans l’embellir : c’efl celui des peintres qui, en imitant la nature, n’ont pas eu le talent de prêter quelque beauté idéale à leurs modèles, ou de faire i.n choix de ce que la nature offre de plus beau. Ils fe contentent de la copier telle qu’elle fe préfentp a leurs yeux, & comm- on peut la voir à chaque inilanr.

On peut comparer ce flyh de la peinture à celui de la poëfie comique, dans laquelle on employé l’art des vers, mais fans fe permettre des idées réellement poétiques. Quelques peintres Flamands & Ho’landois, tels que Rembrandt, Gérard Douw, Teniers, &c, ont porté ce Jlyle à un haut degré de perfeûion. Cependant on en trou-c les meilleurs modèles dans les ouvrages ds Diego Velafquez, & fi le Titien lui a é :é fupérieur dans ia partie du coloris , on peut dire que Vélafquez l’a bien furpaffé dans l’intelligence du clair-obfcur & dans la perfpeâive aënenne, qui font les parties les plus néceffaires à ce fiyle pour parvenir à Itdée de la vérité, puifque les obje’s naturels ne peuvent exilter fans a.oirdu relief & lans’ qu’il y ait une certaine diftance entre eux , au lieu qu« la beauté des couleurs locales eft arbitraire.

Il y a des jlyles vicieux., qui ont l’approbation de ceux dont le goi1t n’tft ni affez délicat ni affez fur pour difcerner le vrai mérite des grands maîtres , & qtii fe trRmpent en prenant l’apparence pour le vrai talent. C’efl cette ignorance qui a fait adopter par plufieiirs le flyle chargé de M’che’-Ange, qu’ils on : pris pour la graîide manière de ce maî :re : c’eft celte ignorance qui a fai : admirer à d’autres autantque le Jlyle graciei.x du Corrège, la manière léchée & afFeftee de quelques pein re- de l’école lombarde. Il en efl de même de ces Jly’-es manières qui ne confiftent en général que