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nuellement avec une spatule de bois bien propre, & on passe promptement la liqueur à travers un linge blanc de lessive. On remet cette eau dans le vaisseau d’étain bien lavé, & on la met au feu. Quand elle commence à bouillir, on y met la cochenille, qu’on laisse bouillir trois bouillons ; puis on y jette le roucou qu’on ne laisse bouillir qu’un bouillon. Enfin on jette l’alun, & on ôte en même temps le vaisseau de dessus le feu. On passe promptement, & sans expression, toute la liqueur dans un plat de fayence, ou de porcelaine, ou de verre bien net ; puis on la laisse reposer pendant sept à huit jours. On verse alors doucement la liqueur qui surnage, & on laisse sécher les feces au soleil ou dans une étuve, & quand elles sont bien séches, on les conserve dans des vases à l’abri de la poussiere.

On remarquera que, dans un temps froid, on ne peut pas faire le carmin, car il ne se précipite pas au fond, & la liqueur devient comme une gelée & se corrompt.

Ce qui reste dans le linge peut être remis au feu dans le même vase, avec de nouvelle eau, pour avoir, par la même opération, un second carmin ; mais il sera moins beau & en plus petite quantité. On peut aussi en faire de la laque fine, en le mêlant avec la teinture de bourses d’écarlatte.

On a trouvé dans les papiers de M. Watelet, une autre recette pour faire le carmin. Il annonce qu’il l’a extraite d’un manuscrit de M. Sage, célebre chymiste.

On fait bouillir dans deux pintes & demi d’eau un demi-gros de chouan. Après l’espace de deux ou trois minutes d’ébullition ; on passe la décoction. On la remet ensuite sur le feu. On jette dedans cinq gros de cochenille pulvérisée : après qu’elle a bouilli deux ou trois minutes, on y met un demi-gros d’autour concassé. (L’autour est une écorce légère, spongieuse, sans odeur, & d’une faveur insipide, que les marchands tirent du levant par la voie de Marseille. Elle est assez semblable à la canelle, mais elle est plus pâle en-dessus : en dedans, elle a la couleur de la noix muscade, avec des points brillans.) On laisse bouillir l’autour à peu près le même temps que la cochenille, & l’on a soin de remuer avec une spatule de bois. Ensuite on retire la décoction du feu, on la passe à travers un linge très-fin. Le carmin tombe au fond ; on décante l’eau, & l’on met sécher le sédiment au soleil. Cette couleur est peu siccative. On peut varier les tons ou nuances du carmin, suivant la proportion de cochenille qu’on voudra employer, ou par l’addition de la dissolution d’étain.

L’auteur du Traité de mignature, dont la troisième édition est de l’année 1678 (Paris, Ballard) donne deux recettes pour faire le, carmin.

Première recette. Faites tremper trois ou quatre


jours dans un bocal de vinaigre blanc, une livre de bois de Brésil Fernambouc, de couleur d’or, après l’avoir bien rompu dans un mortier. Faites le bouillir une demi-heure. Passez-le par un linge bien fort, & remettez-le sur le feu. Ayez un autre petit pot dans lequel sera détrempé huit onces d’alun dans du vinaigre blanc, mettez cet alun détrempé dans l’autre liqueur, & le remuez avec une spatule. L’écume qui en sortira sera votre carmin : recueillez-la & la faites sécher.

Sceonde recette du même auteur. Ayez trois chopines d’eau de fontaine, qui n’ait pas passé par des canaux de plomb : versez-la dans un pot de terre vernissé : quand elle est près de bouillir, mettez-y une demi-once ou un quart d’once de chouan bien pulvérisé, puis laissez-la bouillir environ trois quarts d’heure, c’est-à-dire, jusqu’à ce que l’eau soit diminuée d’un quart. Mais prenez garde que le feu soit de charbon ; après quoi, coulez cette eau par un linge dans un autre vase vernissé, & faites-la chauffer jusqu’à ce qu’elle commence à bouillir. Alors ajoutez-y une once de cochenille, & un quart d’once de roucou, le tout mis en poudre à part ; puis faites bouillir cette matière jusqu’à la diminution de la moitié, ou, pour mieux dire, jusqu’à ce qu’elle fasse une écume noire & qu’elle soit bien rouge ; car à force de bouillir, elle devient colorée. Sortez-la du feu, & semez-y demi-once d’alun de roche pulvérisé, ou de l’alun de Rome qui est rougeâtre & meilleur. Un demi-quart d’heure après, passez-la par un linge dans un vase vernissé, ou bien distribuez-la dans plusieurs petites écuelles de fayence, ou de terre vernissée, où vous la laisserez reposer pendant douze ou quinze jours. Vous verrez qu’il se fera une peau moisie au-dessus, qu’il faut ôter avec une éponge, & laisser la matière du fond exposée à l’air ; & quand l’eau qui surnage sera évaporée, vous ferez bien sécher la matière qui reste au fond, & vous la broyerez sur un marbre ou porphyre, & vous la passerez ensuite par un tamis très-fin.

Remarquez que la dose de ces drogues n’est pas tellement déterminée à ce que j’ai dit, qu’on ne les puisse mettre à discrétion, suivant qu’on voudra que la couleur soit plus ou moins relevée, & tire plus ou moins sur le cramoisi. Si on veut faire le carmin plus rouge, on met plus de roucou ; si on le veut plus cramoisi, on met plus de cochenille : mais tout doit se pulvériser à part ; le chouan doit bouillir le premier tout seul, & les autres drogues toutes ensemble, comme dessus.

L’auteur du Traité de la peinture au pastel (Paris, Defer de Maison-neuve, 1788) donne une manière de composer une espéce de carmin qui, dit-il, réussit à l’huile.

Faites bouillir à petit feu, près d’une heure, une poignée d’écorce de bouleau ; passez la li-