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I

JAUNE, JAUNE . (adjectif pris substantivement.) Le jaune qu’on employe en peinture se tire des trois regnes. Le plus commun est dû à la terre martiale & se nomme ochre. Le plomb, le bismuth, &c. parmi les substances métalliques, peuvent aussi donner du jaune : mais ces couleurs s’alterent facilement lorsqu’on les employe à l’huile. Le stil-de-grain fournit différens jaunes fort beaux : cette couleur est due à la partie gommeuse ou extrait de la graine d’une espéce de nerprun connue sous le nom de graine d’Avignon. Voyez ochre ; stil de-grain, massicot. Voyez aussi le mot Fiel.

Jaune de Naples. Substance poreuse, mais pesante, & qui fournit une couleur utile à tous les genres de peinture. On la nomme en Italie Ciallolinn, petit jaune. Un grand nombre de physiciens & de chymistes ont taché de deviner quelle peut être cette préparation dont on a prétendu qu’une seule famille napolitaine possede le secret. (Voyez les Mémoires de l’Académie des Sciences, année 1766.) Cependant nous avons en France quelques fabriques de fayence & de porcelaine qui le possedent également, de sorte qu’on va chercher à Naples ce qu’on pour roit trouver ici : mais chacune d’elles en fait un grand mystere. On veut pouvoir se négliger impunément sur la bonté de la matiere & sur le travail, sans avoir de concurrence à craindre. Ce secret, le voici. Douze à treize onces d’antimoine, huit onces de minium, quatre onces de tutie : on pulverise bien ces substances ;on les pase au tamis pour les mieux mêler ; on les met de l’épaisseur de deux doigts sur des assiettes non vernissées & couvertes d’une feuille de papier. On place ces assiettes dans le four de la fayencerie, au-dessus de toutes let casettes, immédiatement sous la voute. Quand la fayence est cuite, on retire ce mêlange. Il est dur, graveleux, & d’un jaune assez vif ; mais il devient citron, & presque chamois, lorsqu’il est porphyrisé. Voilà le jaune de Naples. Si l’on vouloit en composer des pastels, il suffiroit de le broyer à l’eau pure : il faut le broyer longtemps. On peut garantir la solidité de cette couleur employée en émail ; mais les artistes se plaignent qu’à l’huile elle devient verdâtre, surtout lorsqu’on l’amasse avec un couteau de fer sur le porphyre ou sur la palette. (Traité de la peinture au pastel.)

Jaune mineral, ou Turbith mercuriel, ou


Précipité jaune. Le mercure, dissout à l’aide du feu par l’acide vitriolique, fournit une préparation d’une couleur jaune très-riche : c’est le turbith minéral, ou précipité jaune. On en trouve dans la plupart des pharmacies. Quelquefois il est d’un jaune pâle ; quelquefois même un peu gris ; mais lorsqu’il est bien conditionné, plus on le lave, plus la couleur en est vive. Cependant je ne proposerai pas de l’employer dans la peinture, car il n’et pas insensible aux vapeurs du foie de souffre. J’en ai d’une très belle couleur d’or sur lequel cette vapeur ne fait aucune impression, mais qui ne résiste pas au contact même de la liqueur : si peu qu’elle y touche, le mercure est aussitôt revivifié. C’est donc une couleur dont les peintres ne doivent pas se permettre l’usage. Cependant le hasard m’a fait appercevoir dans un bocal, chez un marchand de couleurs, une poudre jaune, qu’il vendoit, disoit-il, depuis deux ou trois ans sous le nom de jaune minéral. En ayant pris une once, & étant rentré chez moi, j’ai considéré ce jaune, & l’ai reconnu pour du turbith mercuriel. Ce qui me l’avoit d’abord fait méconnoître, c’est qu’il étoit d’un jaune un peu pâle. Je l’ai soumis à quelques épreuves pour m’en assurer ; la vapeur du souffre l’a aussitôt rembruni ; voilà donc, malgré ses mauvaises qualités, le turbith minéral dans le commerce, par l’usage de la peinture, sous le nom de jaune minéral ! Il étoit nécessaire qu’on sût à quoi s’en tenir là-dessus, & voilà pourquoi je suis entré dans cette explication. (Traité de la peinture au pastel.)

Jaune de bismuth. Le bismuth, dissout par l’acide nitreux, forme des cristaux qui, sur le feu, laissent échapper leur acide & se changent en une belle chaux de diverses nuances de jaune. Il y en a de souffre & d’orangé, suivant la plus ou moins grande proximité de la flamme, ou la violence du feu. Je ne doute pas que cette chaux ne réussît mieux dans la poterie, au moyen de la couverte vitrifiée de l’émail, que le jaune de Naples, comme plus haute en couleur Elle est très-fixe, & se vitrifie même plutôt que de se volatiliser : mais il ne seroit pas possible de l’employer dans la peinture à l’huile ; aux moindres exhalaisons putrides, elle devient noire, encore plus vîte que le turbith mercuriel ou jaune minéral qui fait l’objet du précédent article. Il en est de même de toutes les chaux du régule d’antimoine, à l’exception de la neige


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