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avoit le don de produire facilement, mais host la patience de produire sagement, & de laisser mûrir les productions de sa pensée. Il étoit grand, hardi, mais strapassé. Il n’a ni cherché ni connu la vraie beauté dans les figures d’hommes, mais il leur donnoit un grand caractère : il a été plus malheureux dans les figures de femmes, & quoiqu’il eût étudié le Corrége & Raphael, il n’avoit point le sentiment de la grace. Il est fier dans son pinceau, dans son dessin, dans sa composition ; ses grouppes sont bien enchaînés, ses draperies offrent de belles masses. On ne peut pas dire qu’il ait été un grand coloriste ; mais sa couleur fait souvent de l’effet. Il tenoit souvent les ombres fort brunes, à l’exemple du Caravage : quelquefois cependant sa couleur est brillante & claire : elle n’est pas toujours harmonieuse. Il est plein de feu, d’où il résulte qu’il n’est pas sans incorrection. Il a cherché le terrible, & on lui reproche d’être souvent outré dans son audace gigantesque. Il doit être plus estimé des esprits ardens que des ames sensibles. Mengs le regarde comme l’inventeur du genre théatral qui consiste à agencer les objets d’une manière capable de plaire aux yeux. Ce genre a sait depuis une grande fortune, parce qu’il flatte la vue, & que, pour le juger, on n’a besoin ni de réfléchir ni de sentir.

Comme Lanfranc ne se trouvoit à son aise que dans les plus grandes machines, & que c’étoit dans ces sortes de travaux qu’il développoit toute la force de son talent, il ne faut pas se promettre de le juger parfaitement par les six tableaux qui sont de lui au cabinet du roi. On y reconnoît cependant toujours la fierté de sa manière, le caractère de son dessin, sa main & son choix d’attitudes. Le plus grand de ces tableaux a près de sept pieds de haut, & représente Jésus-Christ couronnant la Sainte Vierge. C’est un double du tableau d’autel de la chapelle de Buon-Giovanni dans l’église de Saint-Augustin à Rome ; mais ce double est certainement de la main du maître. Il est traité d’une manière forte & vigoureuse ; les ombres en sont noires. Le haut du tableau contient les deux figures de la Vierge & du Christ qui ne sont fort belles ni de caractère ni d’expression, ni d’attitude, ni de dessin. Au bas sont Saint-Augustin & Saint-Ambroise, en acte d’adoration & d’admiration. Les têtes sont d’un grand caractère, les draperies larges, bien jettées, bien agencées, le faire d’une grande fierté & d’une grande liberté.

Ce tableau a été gravé par Baudet. G. Audran a gravé le tableau de Saint-Pierre de Rome représentant, Saint-Pierre marchant sur les eaux, & la caractère du maître est bien conservé dans cette estampe. Les quatre angles de la maison professe des Jésuites de Naples


ont été gravés par Rouller. Le Pape Paul V avoit choisi Lanfranc pour décorer la loge de la Bénédiction à Saint-Pierre : mais il mourut avant que l’ouvrage fût commencé. Lanfranc avoit seulement fait les dessins qui promettoient une ordonnance magnifique, & qui ont été gravés par Pietre Santo Bartoli. Tous les sujets sont tirés de la vie de Saint-Pierre & de Saint-Paul. On a de Lanfranc quelques eaux-fortes faites par lui-même d’après ses dessins.


(99) Simon Vouet de l’école Françoise, & qu’on peut même regarder comme le patriarche de cette école, naquit à Paris en 1582 reçus les premières leçons de son père, peintre médiocre. Il passa quinze ans dans les principales villes de l’Italie, & se fit assez estimer à Rome pour être chargé de faire un tableau dans une des chapelles de la Basilique de Saint Pierre. Il jouissoit dès lors d’une pension de Louis XIII, roi de France, qui le rappella en 1627 & lui donna la place de son premier peintre. Indépendamment d’un grand nombre de plafonds, de galeries, d’appartemens qu’il décora de ses ouvrages, il fit aussi des dessins pour les tapisseries & une grande quantité de portraits au pastel. Le roi voulut apprendre de lui à peindre dans ce genre & y réussit assez bien. Comme il étoit chargé de tous les travaux considérables, il eut un grand nombre d’élèves qui devinrent les grands maîtres de l’école Françoise. Il suffit de nommer entre eux, Lebrun, le Sueur, Mignard, & ce Dufresnoy qui a forcé les Muses latines à donner des leçons de peinture.

La manière du Vouet tenoit d’abord de celle du Valentin, & il a fait dans ce goût des tableaux d’une grande force ; mais quand il fut surchargé d’ouvrages, il se fit une manière plus expéditive. Voyez ce qui concerne ce peintre sous l’école Françoise, article Ecole. Cette manière impose par le caractère de la facilité, & par un certain grandiose, mais on sent qu’elle n’est fondée que sur la pratique & sur une convention arbitraire qui ne tient point à la nature. Son dessin sans être sort vicieux est peu correct & sent la manière. Ses têtes qui se ressemblent entr’elles sont la plupart de profil, ses doigts sont trop aigus. On lui reproche encore d’avoir eu peu de génie pour l’invention, peu de choix dans la disposition, peu de goût dans l’ordonnance, peu d’intelligence du clair-obscur. Ses défauts étoient à quelques égards rachetés par la fraîcheur de ses teintes, par la beauté de son pinceau. Il a tiré plus de gloire de ses élèves que de ses ouvrages. Il est mort à Paris en 1641 âgé de cinquante-neuf ans.

On peut voir de ses ouvrages dans les maisons royales & dans plusieurs églises de Paris. Un de ses bons tableaux se voit dans les salles


Tome II. Beaux-Arts. H