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de l’Europe, il lui appartenoit de trouver la première la composition & l’emploi des émaux.

Dans le quatorzième siècle, on abandonna les paneaux de petites figures, que les peintres vitriers nommoient mosaïques, & l’on peignit des figures colossales ; elles représentoient des Saints posés ordinairement sur, des piédestaux. On indiqua les effets de l’ombre & de la lumière. Bientôt les particuliers qui donnoient des vitreaux peints aux églises, voulurent que leurs portraits y fussent représentés ; c’etoit une satisfaction pour leur vanité d’espérer que leur ressemblance leur survivroit sur une substance fragile, mais moins que la vie humaine.

Les peintres-vitriers tenoient alors le premier rang entre les artistes. En France, ils furent exempts de tailles, aides, subsides, garde-porte, guet, &c. Ils durent cette récompense de leurs talens à la munificence de Charles V. Ce prince sage reconnoissoit que les arts, tout imparfaits qu’ils étoient de son temps, méritoient d’être encouragés, & les encouragemens pouvoient seuls les conduire à la perfection.

Jean de Bruges, regardé comme l’inventeur de la peinture en huile, inventa aussi de ces couleurs métalliques vitrifiables que l’on appelle des émaux. C’étoit fournir à l’art de peindre sur verre de nouveaux moyens d’exécution, & lui préparer de nouveaux progrès.

Cependant cet art restoit encore sauvage : mais dans le quinzième siècle, Albert Durer, qui joignoit à la vaste étendue de ses talens celui de peindre sur verre, fit admirer pour la première fois sur des vitreaux la justesse des proportions, la précision des formes & la vérité de l’expression. Des vitres furent peintes à Paris & à Beauvais par ses élèves & sur ses cartons.

Le seizième siècle, ce bel âge des arts qui tiennent au dessin, le fut de la peinture sur verre. Jules II appella de Marseille des maîtres en ce genre pour décorer les vitreaux du Vatican. Ils eurent la gloire de travailler sous les yeux & sur les dessins de Raphaël. Mais avant la fin du même siècle, ce genre de peinture fut presque généralement abandonné par-tout, & depuis il n’a fait que languir.

Les ouvrages du dix-septième siècle ne furent que des tableaux sur verre en petit, tels qu’on en voit aux charniers de Saint-Etienne du Mont. Peut-être seroit-on autorisé à dire que, loin d’avoir rien perdu, la peinture sur verre, uniquement appliquée à des ouvrages de petite proportion, trouva le vrai genre qui lui convient. En effet, des compositions colossales, ou même dans des proportions voisines de celle de la nature, conviennent-elles à un genre de peinture, qui n’est en effet qu’une sorte de dessin enluminé, & qui opère sur un fond au-


quel on ne peut donner une certaine étendue, qu’en joignant par dus lames de plomb les pièces multipliées qui le composent ? Comment l’œil peut-il n’être pas choqué de voir une seule figure, un seul membre, une seule partie de draperie, plusieurs fois interrompue par les coutures grossières de ce plomb que jamais on ne peut bien dissimuler ? Si la peinture sur verre peut avoir un mérite véritable, c’est lorsqu’elle offre un sujet représenté sur la surface d’une seule vitre. Mais on ne confie depuis long-temps à l’industrie des peintres vitriers que des armoiries & des parties d’ornemens.

On dit que le secret de la peinture sur verre est perdu ; il faudroit dire seulement que cette sorte de peinture, pour des ouvrages de grande proportion, est entiérement abandonné, & l’on pourroit ajouter qu’il l’est probablement pour toujours. Mais les vitreaux du cloître des Feuillans n’ont été finis qu’en 1709, ceux du petit cloître des Carmes-Déchaussés qu’en 1738 : si le secret suivant lequel ces morceaux ont été exécutés étoit perdu, la perte seroit bien récente. Mais cette perte est imaginaire. Le secret qu’on regrette se retrouveroit aisément chez les Anglais ; s’il n’étoit pas resté à Paris dans une famille consacrée depuis plusieurs siècles à la pratique de cet art. C’est dans l’ouvrage d’un membre de cette famille, que nous allons puiser tout ce qui composera cet article. Les bornes dans lesquelles nous devons nous renfermer, ne nous permettront pas de faire connoître tout ce qu’il renferme d’utile ; & nous conseillons aux artistes qui se consacrent à la peinture en émail ou en porcelaine, de consulter l’ouvrage même de Pierre le Vieil. En décrivant dans le plus grand détail, tous les matériaux & toutes les opérations de la peinture sur verre, il a bien mérité de tous les artistes qui employent des substances métalliques colorées & vitrifiables.

COULEURS
propres à teindre des masses de verre.

Bleu céleste ou aigue-marine. Sur soixante liv. de fritte, ([1]) mêlez peu-à-peu & à différentes reprises, une livre & demie d’écailles de cuivre préparées, auxquelles vous aurez ajouté quatre onces de safre préparé, le tout en poudre très-fine. Remuez souvent. La couleur sera d’autant plus belle, que la fritte sera d’un crystal mieux purifié.

Bleu plus foncé, ou couleur de saphir. Sur

  1. (1) Les matières qui composent le verre se nomment fritte, après avoir été calcinêes & avant d’être mises en fusion.
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