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de son temps, n’avoit de supérieur que Van-Dyck, crut démêler quelques dispositions dans les dessins du jeune Brauwer ; il le demanda pour élève à ses parens, lui fit faire des progrès rapides, & le renferma dans un grenier, où il l’occupoit le jour entier à faire des tableaux qu’il vendoit fort cher, tandis qu’il donnoit à peine à l’auteur une mauvaise nourriture & quelques haillons. Brauwer ne se doutoit pas qu’il eût du talent, il en fut averti par quelques élèves de son maître, & prit la fuite. Il se réfugia chez un aubergiste d’Amsterdam, qui avoit peint dans sa jeunesse, & qui lui fournit les matériaux nécessaires à la peinture. Brauwer fit un petit tableau représentant une querelle de jeu entre des paysans & des soldats. L’aubergiste étonné, alla montrer cet ouvrage à un amateur qui s’écria : « voilà le maître que je cherche depuis longtemps à connoître, & dont Hals m’a vendu si cher les tableaux. » Il donna aussi-tôt cent ducats de celui qu’on lui présentoit ; ils furent rendus fidellement au peintre qui ne pouvoit croire qu’une somme si considérable lui appartînt. Il l’a prit enfin, sortit de l’auberge, & n’y rentra que quelques jours après, avec tout l’extérieur de la gaieté. On lui demanda ce qu’il avoit fait de son argent : « Je m’en suis défait, dit-il, & je m’en trouve plus heureux. » Il conserva ce bonheur toute sa vie, ne gardant jamais d’argent, ne travaillant que lorsqu’il étoit sans ressources, n’ayant guère d’autre asyle que les cabarets & quelquefois les prisons, préférant ces prisons à l’asyle honorable qui lui fut offert par Rubens, & mourant enfin d’une maladie honteuse dans un hôpital d’Anvers, en 1640, âgé de trente-deux ans. Rubens versa des larmes en apprenant la mort de cet artiste qui avoit si mal reconnu ses bontés ; il le fit exhumer & lui procura des funérailles honorables.

Ses tableaux représentent les lieux qu’il fréquentoit & les actions dont il étoit acteur ou témoin, des cabarets, des jeux de cartes, des débauches de village. Ce sont les mêmes sujets qu’a choisis Téniers ; mais des connoisseurs trouvent que Brauwer l’a encore surpassé par la couleur. Son pinceau est large, sa touche ferme, son expression aussi vive que vraie.

Il a gravé lui-même à l’eau-forte. Corn. Visscher a gravé d’après ce peintre les paysans de bonne humeur : Suyderhoef un vieillard caressant une jeune femme : L. Vorsterman, l’orgueilleuse, la paresseuse, le gourmand, l’avaricieux.

(144) Jean Goeimar, de l’école Flamande, né vers l’époque que nous parcourons, n’est pas un peintre fort connu ; mais il fournit l’occasion de parler du goût de certains ama-


teurs Flamands, qui se contentoient d’orner leur cabinet d’un seul tableau, mais qui vouloient que ce tableau renfermât le plus grand nombre qu’il étoit possible des objets qu’offre la nature. C’est, dit M. Huber, pour contenter un de ces amateurs, que Goeimar a représenté, dans un grand tableau, Jésus-Christ chez Marthe & Marie. La scène est dans une grande salle : d’un côté est la cuisine, de l’autre le garde-manger. Le tout est rempli de toutes sortes de fruits, de légumes, de viandes cuites & crues, d’animaux vivans & morts, de vases & d’ustensiles de toutes les espéces de métaux. On voit aussi de semblables tableaux en Hollande : Ce qui semble prouver que celui de Goeimar n’étoit pas méprisable du côté de l’exécution, c’est qu’il a été gravé par le célèbre Bolswert.


(145) Georges-André Sirani, de l’école Lombarde, né à Bologne en 1610, fut élève du Guide, & doit être mis au nombre des peintres agréables. Il a gravé lui-même à l’eau-forte quelques-uns de ses tableaux, & entr’autres, Saint-Jérôme en méditation. Il est mort en 1670, à l’âge de soixante ans. Ce sont les talens de sa fille, encore plus que les siens, qui ont rendu son nom célèbre.

Elisabeth Sirani mérite une place distinguée entre les peintres d’histoire. Son dessin étoit beau, sa manière ferme, ses têtes gracieuses, ses ombres fortement frappées ; elle avoit une belle couleur, & se distinguoit par l’agréable fraîcheur de les demi-teintes. Telles sont les qualités que l’on remarque dans son tableau de l’église de Saint-Léonard, à Bologne, qui représente St. Antoine de Pade baisant les pieds de l’Enfant-Jésus. On retrouve même dans ses tableaux inférieurs, une belle manière & un pinceau moëlleux. Cette femme si rare fut empoisonnée, & son père ne put lui survivre.

F. Bartolozzi a gravé, d’après cette aimable artiste, un enfant nud & endormi ; & Vithe Cupidon brûlant les armes de Mars.


(146) Adrien van Ostade semble devoir appartenir à l’école Allemande par sa naissance dans la ville de Lubeck en 1610, mais la Hollande a droit de le revendiquer, puisque ce fut à Harlem qu’il reçut son éducation pittoresque. Il fut élève de François Hals, & compagnon de Brauwer : ce fut lui qui avertit ce dernier de ses talens, & qui lui inspira le courage de secouer le joug d’un maître avare.

Ostade a toujours résidé à Harlem ou à Amsterdam. Il avoit une grande intelligence de clair-obscur, une couleur chaude, vigoureuse & transparente, un pinceau flou, un dessin