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mées par la poësie. On dit qu’un de ses tableaux, qui se voit à Rome dans l’église de la république de Lucques, rend témoignage à son talent dans l’art de peindre & même de colorer. Cet artiste fut enlevé par accident à la fleur de son âge. Il dessinoit au bord du Tibre : un coup de vent emporta son chapeau dans le fleuve : il s’élança pour le retenir, tomba dans l’eau, & se noya en 1648, à l’âge de trente-sept ans.


(155) Alphonse du Fresnoy, de l’école Françoise, né à Paris en 1611, fut destiné à la médecine par son père qui étoit apothicaire. Il fit de très bonnes études ; il entendoit les auteurs Grecs, & savoit assez bien le latin pour imiter les poëtes de l’ancienne Rome, autant qu’il peuvent être imités par des hommes à qui leur langue est étrangère, qui ne peuvent l’apprendre que dans les livres & qui en ignoreront toujours un grand nombre de propriétés. Il s’appliqua aussi à la géométrie ; mais le goût de la peinture devint la plus vive de ses inclinations, & il s’y livra malgré la résistance de sa famille. Il fut quelque temps élève de Perrier & du Vouet, & partit à l’âge de vingt-un ans pour l’Italie. Comme il ne recevoit aucun secours de sa famille, dont il refusoit de suivre les vues, & qui d’ailleurs étoit mal partagée des dons de la fortune, il eut beaucoup de peine à y subsister. Il consacroit une partie de son temps à l’étude, & l’autre à peindre, pour vivre, des ruines & de l’architecture.

Il languissoit à Rome depuis deux ans, lorsque Mignard y arriva. Ils s’étoient connus dans l’école du Vouet, & réunis loin de leur patrie, ils se lierent bientôt par les nœuds d’une tendre & constante amitié. ils logerent ensemble, & Mignard partageoit avec son ami l’aisance médiocre que lui procuroient ses talens & ses travaux. Mignard peignoit beaucoup & avec facilité : du Fresnoy peignoit peu & difficilement, mais il raisonnoit beaucoup sur l’art ; ses réfléxions, ses lectures étoient utiles à son compagnon d’études, qui peut-être opéroit trop pour avoir le temps de beaucoup réfléchir. Du Fresnoy, de son côté, réfléchissoit trop pour acquérir l’habitude d’opérer. Examinoit-il les chess-d’œuvre des anciens & des modernes ; il écrivoit ses observations : faisoit-il des tableaux ; c’étoit un nouveau sujet de réfléxions qu’il écrivoit encore. Ses conversations donnèrent une excellente théorie à Mignard, & Mignard ne put parvenir à lui donner de la pratique. Du Fresnoy a fait peu de tableaux ; on remarque qu’il cherchoit à imitir le dessin du Carrache & la couleur du Titien. On voit un morceau de lui dans l’église de Sainte Marguérite, fauxbourg Saint Antoine derrière le maître-autel. Il représente la Sainte à qui le temple est consacré.

Il revint à Paris avant Mignard ; mais il reprit un logement chez Mignard dès que celui-ci eut été appellé & se fut fixé dans cette ville, Il est mort en 1665 âgé de cinquante-quatre ans.

Il n’a pas donné de preuves assez répétés de son talent en peinture pour s’être fait une grande réputation comme peintre : mais il est célèbre par son poëme latin de arte graphicâ, ouvrage recherché par les artistes & les amateurs de l’art, traduit en plusieurs langues & commenté par plusieurs artistes. Les préceptes en sont justes & sages, l’exécution un peu séche, le style un peu rude, un peu obscur. Il s’est proposé d’imiter Lucrece plutôt qu’Horace ; mais, dans sa poésie, il n’est pas peintre comme Lucrecé ; il ne répare pas, comme le poëte latin, l’aridité des préceptes par le charme & la richesse des descriptions. Il paroît que, dans tous les genres, la nature lui avoit accordé la justesse du raisonnement, & lui avoit refusé la belle facilité de l’exécution.


(156) Guaspre Dughet, dit Poussin, eut pour père un Parisien établi à Rome & fut éleve du Poussin, maître François Cependant comme il est né à Rome (en 1613), comme c’est dans cette ville qu’il a appris & exercé son art, & qu’il a passé toute sa vie, on le compte entre les artistes de l’école Romaine. Le Poussin qui avoit épousé une sœur du Guaspre, lui donna des leçons de peinture, & ayant reconnu de bonne-heure les dispositions du jeune homme pour le paysage, lui conseilla de se consacrer tout entier à ce genre qui suffit à la gloire d’un artiste qui a le talent d’y exceller, Il convenoit d’ailleurs mieux que le genre de l’histoire au goût naturel du Guaspre pour la chasse & la campagne.

Ce peintre, pour mieux observer les beautés de la nature, loua quatre maisons à la fois dans des lieux également propres à ses études ; deux dans les endroits les plus élevés de Rome, une troisième à Tivoli, une autre encore à Frescati. Il eut d’abord quelque sécheresse dans sa manière ; mais quand il eut observé les ouvrages de Claude Lorrain, il se fit une manière vague & agréable. Ses sites sont beaux & bien dégradés ; son pinceau facile & ragoutant. Il donnoit la vie au paysage en y faisans sentir les effets des orages & du vent, & prêtoitainsi le mouvement à la nature inanimée. Le Poussin a peint quelquefois les figures dans les tableaux de son beau-frère, qui cependant lui-même les traitoit assez bien pour un paysagiste. On dit qu’il lui arriva plus d’une fois de peindre un tableau en un jour : mais cette prestesse n’est pas une qualité qu’on doive con-