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connoît par ses maîtres ; peut-être n’en eut-il pas d’autre que la nature : sans cesse il l’étudioit dans la campagne, il ne négligeoit rien de ce qui pouvoit enrichir ses tableaux, & devint bientôt, en grand & en petit, l’un des meilleurs paysagistes de la Flandre. Il étoit intimement lié avec Teniers, qui faisoit quelquefois ou retouchoit du moins, dans les ouvrages de Van Artois, les figures & les animaux.

Ses paysages sont peints d’une grande manière, tous les objets y sont distribués avec art, les devans sont ordinairement enrichis de belles plantes, ses arbres sont d’un beau choix & ont du mouvement, sa touche est spirituelle dans le feuillé, ses ciels sont légers ; mais ses plans ont peu d’étendue. Il gagna beaucoup, mais il fit de grandes dépenses ; bien venu des grands, il voulut imiter leur faste, & mourut pauvre, on ne sait en quelle année.


(164) Bonaventure Peters, de l’école Flamande, né à Anvers en 1614, unit le talent de la poësie à celui de la peinture. Il n’aimoit que les sujets, qui inspirent la terreur ; des vaisseaux frappés de la foudre, ou se brisant contre les écueils ; des bâtimens en feu sautant en l’air ; des mers agitées par la tempête & se confondant avec le ciel. Ses tableaux en ce genre sont précieux. Ils sont bien peints & d’un beau fini. Ce peintre mourut à Anvers en 1652, âgé de trente-huit ans. Il eut un frère nommé JEAN PETERS, né en 1625, qui peignoit dans le même genre, & dont les tableaux sont d’une vérité qui fait presque frémir. Ses figures sont bien dessinées, sa touche est fine, sa couleur d’un belle intelligence. On ignore l’année de sa mort.


(165) Bertholet Flemael, né à Liége en 1614, peut être compris dans l’école Allemande, puisque l’évêché de Liége fait partie du cercle de Westphalie. Ses parens, qui étoient fort pauvres, le destinèrent à la profession de musicien : il fit des progrès dans cet art, & donna ensuite la préférence à celui de la peinture ; un peintre médiocre lui donna des leçons, il en alla chercher de plus savantes en Italie. La grandeur de sa manière ne tarda point à lui faire une réputation. Il fut appellé par le grand duc de Florence & resta quelque temps attaché au service de ce prince.

En quittant la Tuscane il vint à Paris où il peignit la coupole des Carmes-Déchaussés, & une adoration des rois dans la sacristie des Grands-Augustins. Il n’avoit que trente quatre ans lorsqu’il retourna dans son pays après neuf ans d’absence : rappellé à Paris en 1670, il vint y placer dans la chambre de l’audience du roi, aux Tuilleries, un plafond qu’il avoit fait à Liège & qui représemte la religion. L’honneur


qu’on lui accorda de le nommer professeur de l’académie royale de peinture ne put le retenir en cette ville. Il s’empressa de retourner à Liège, où il mourut de mélancolie en 1675 âgé de soixante & un ans. Il avoit une belle couleur, une grande fonte de pinceau, un dessin tenant des bonnes écoles d’Italie, & une profonde connoissance du costume. Il étoit en même temps peintre & architecte. L’église des Dominicains de Liège & celle des Chartreux sont bâties sur ses dessins.

Natalis a gravé, d’après ce peintre, Saint Bruno en prieres.


(166) Salvator Rosa, de l’école Napolitaine, naquit à Naples en 1615. Elève d’un peintre médiocre, & réduit, pour vivre, à exposer ses tableaux en vente sur la place, il fut encouragé par Lanfranc qui lui en acheta quelques uns. Il se mit ensuite sous la conduite de Joseph Ribera qui le conduisit à Rome, d’où il fut mené à Florence par le prince Jean-Charles de Médicis ; il y resta neuf ans, se rendant aussi agréable aux Florentins par ses talens poëtiques, & par l’art avec lequel il jouoit dans les comédies qu’il avoit composées lui-même, que par ses ouvrages en peinture. Il revint ensuite à Rome & y passa le reste de sa vie, qu’il termina en 1673 à l’âge de cinquantehuit ans. Il vivoit depuis longtemps dans le commerce le plus intime avec sa servante dont il aimoit la figure, mais dont il estimoit peu le caractère & les mœurs. Son confesseur le voyant approcher de sa fin, lui fit un devoir de réparer les erreurs de sa vie en épousant cette fille ; le malade résistoit. « Vous l’épouserez, lui dit le confesseur, si vous voulez aller en paradis. Il faut donc en passer par là, repartit le moribond, s’il faut avoir des cornes pour aller en paradis. » Se andar non si puo in paradiso senza esser cornuto, converrà farlo.

Il tient un rang très distingue entre les meilleurs paysagistes de l’Italie. Son feuillé est léger & spirituel, son pinceau libre & plein de feu, ses figures sveltes & d’un singulier caractère. Il représentoit avec succès des marines, des chasses, & il excelloit surtout à peindre des solitudes sauvages, le silence des eaux stagnantes, l’horreur des roches escarpées. Mais il se piquoit d’être un grand peintre d’histoire & n’hésitoit pas à se comparer, à se préférer aux plus illustres artistes en ce genre. Un jour qu’il venoit de terminer un tableau dont les figures étoient grandes comme nature, il ne put s’empêcher de dire à son ami Passari : « Que Michel-Ange vienne à présent ; qu’il dessine, s’il le peut, le nud mieux que je n’ai fait. » Il souffroit quand il entendoit célèbrer son talent dans le pay-


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