Page:Encyclopédie méthodique - Economie politique, T01.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terres, jadis fécondes sous l’empire de la liberté, & qui nourrissoient des hommes, peuvent à peine fournir momentanément une chétive pâture à de maigres troupeaux.

Mais si les gênes & les prohibitions qui ont opéré ces friches, continuent à frapper ce pays, leurs effets destructeurs se multiplient chaque année, & leurs ravages s’étendent progressivement sur tout le sol. Le cultivateur se voit encore obligé de diminuer le nombre de ses charrues & d’augmenter celui des friches. Il tombe dans le mal-aise & dans la pauvreté, & tout se ressent autour de lui de sa triste pénurie. Il ne peut plus employer le même nombre d’ouvriers, ni donner de forts salaires au petit nombre de ceux qu’il occupe. S’il est fermier, il se trouve à la fin de son bail avoir mangé toutes ses avances ; il n’est plus en état d’entreprendre une ferme. Beaucoup d’autres fermiers sont ruinés comme lui. Le prix des fermes, ou, pour mieux dire le revenu de l’état est réduit à moitié ou même au tiers ; &, si ce train continue, les provinces se dépeuplent, tombent en petite culture & se changent en landes. Les terres abandonnées en déshonorent la surface, & les gens peu instruits l’attribuent à la dépopulation ou à la négligence des propriétaires, c’est-à-dire qu’ils prennent l’effet pour la cause, & qu’ils ne remontent point à ces principes de destruction. Les bras n’y manquent point à la terre ; c’est le revenu de la terre, c’est-à-dire les salaires qu’elle peut donner, qui manquent aux hommes qui pourroient la travailler. Il lui viendroit des bras en grand nombre des contrées voisines ; il en viendroit de l’étranger, si elle fournissoit de quoi payer leur temps & leur travail. Elle ne peut les payer, elle reste abandonnée.

Cependant, avant qu’un propriétaire consente à abandonner sa terre & à la laisser ainsi tomber en non-valeur, il essaie d’ordinaire tout ce qu’il peut, pour la soustraire à cette triste inertie. L’expérience de tous les pays prouve en effet, que ce n’est qu’à la dernière extrémité qu’un propriétaire foncier se résout à priver de culture ses propriétés ; & qu’avant de laisser ses domaines ou partie de ses domaines en friche, il fait toutes les tentatives que l’industrie la plus adroite & la plus constante peuvent lui suggérer, pour la dérober aux bruyères, auxquelles l’excès de l’impôt ou les prohibitions la condamnent ; & que s’il peut la rendre utilement productive, en substituant une culture à une autre, il n’y manque jamais.

Pour rendre ceci plus sensible, qu’on se rappelle l’effet qu’ont produit, sur plusieurs de nos provinces, les gênes dont on avoit embarrassé la circulation ou la sortie des grains. Dans celles qui n’avoient que peu ou point de débouchés, la non-valeur de ces denrées a fait tomber les terres en friche ; mais, dans les pays arrosés par des rivières navigables, ou qui, voisines de la mer pouvoient à leur faveur faire sortir les productions de leurs territoires, la défense d’exporter certaines denrées, en a fait cultiver d’autres propres à suppléer au-débit de celles-là, & à donner des revenus, qu’on ne pouvoit plus tirer des denrées, qui demeuroient sous la rigueur de la prohibition. Ainsi les propriétaires qui ne trouvoient aucun profit à cultiver des grains, parce qu’ils ne pouvoient les cultiver ou vendre qu’à perte, ont transformé leurs champs en vignes, en prés, en bois, par-tout où la nature le leur a permis, pour rendre leurs terres utiles ; mais celles qui ne jouissoient pas de ces avantages naturels, où pour les productions desquelles les débouchés ont été nuls ou interdits, ont été condamnées à la stérilité & abandonnées.

Une remarque à faire sur le changement de culture occasionné par les prohibitions, c’est que la défense de faire circuler & d’exporter les grains, faite sous le règne de Louis XIV, multiplia les vignes en France, dans tous les lieux où les qualités du sol & du climat pouvoient le permettre, & où les droits établis sur les boissons, les gênes qui les accompagnent n’étoient pas connus. L’ignorance se récria sur ces plantations, prétendant qu’elle occasionnoit la disette de grains. Il valoit pourtant mieux des vignes que des friches ; mais de mauvais raisonneurs ne virent point cela. L’administration induite en erreur, défendit l’extension des vignes, & ordonna même de les arracher en certains pays ; démarche inconsidérée qui priva de tout produit les terres qui n’étoient bonnes qu’à la vigne, & celles en même temps qui ne pouvoient produire des bleds qu’à perte ; démarche que la liberté de la circulation des denrées rendoit inutile. La foible lueur de la liberté des grains qui commença en 1764, engagea les propriétaires, par le seul espoir d’un produit plus sûr, à arracher d’eux-mêmes toutes les vignes des terres propres à produire des bleds, & à les convertir en champs. Les ordonnances prohibitives des grains & des vignes les auroient réduites en friches & en terres abandonnées. (G).

ABANNATION, s. f. espèce d’exil chez les grecs & les romains. Voyez le Dictionnaire de Jurisprudence.

ABBATTAGE, abbatis, coupe de bois. Voyez Bois, emmenagement des bois.

ABBÉ, s. m. titre d’une ancienne magistrature à Gênes. L’un des premiers magistrats de cette république, étoit appellé autrefois abbé du peuple, nom équivalent à celui de pere du peuple.

ABDICATION, s. f. c’est l’action par laquelle un souverain quitte le trône.

L’abdication est pure & simple, ou bien elle se fait en faveur d’une personne désignée. Dans ce dernier cas, elle se nomme aussi résignation.

L’abdication peut être tacite, ou expresse & solemnelle. L’histoire nous fournit quelques exemples d’une abdication tacite, ou pour parler plus exactement d’une démarche réputée telle. Lors-