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argent, moins embarrassantes à percevoir que les rentes et denrées, semblent remplir cet objet dans les sociétés, où l’abondance des métaux donne à la circulation une action heureuse ; mais ce secours est précaire & passager de sa nature. L’argent ne peut porter à perpétuité un intérêt fixe, même bien bas ; l’expérience le fait voir. D’ailleurs les rentes en argent détachent le possesseur de l’intérêt du territoire ; il n’y tient plus & n’a même plus rien de regnicole que quelques opinions de ville ; il est à vendre, mais non pas à invoquer.

Le mal est que la richesse qui nous donne cette facilité de disposer de notre temps & de notre personne, ne sauroit être véritablement vu de bon œil, & ne peut avoir l’aveu de la société qu’autant que cette liberté & les moyens d’agir qu’elle nous procure lui devient utile. Les anciens seigneurs se ruinoient à la guerre ; ils étoient respectés, & l’on ne déclamoit point alors contre les droits seigneuriaux. Si on le fait aujourd’hui, c’est que leurs successeurs en font un usage bien moins respectable ; il faut attribuer aussi ces erreurs & ces critiques à l’inexpérience & à l’oisiveté des habitans des villes qui vivent dans l’ignorance & l’incurie des choses rurales, ou dans une corruption qui les porte à les dédaigner. De là découlent naturellement les opinions les plus hasardées, ainsi que les mœurs les plus perverses.

Quoi qu’il en soit, l’acensement est une bonne chose, puisqu’il faut que tout le monde vive, & que cet acte place un nouveau père de famille au nombre des partprenans aux revenus du territoire & à la source des subsistances. (G)

ACHÉENS, RÉPUBLIQUE ET LIGUE ACHÉENNE. L’Achaïe, province du Péloponèse, s’étendoit du golfe de Corinthe ou de Lépante, le long de la mer ionienne jusqu’à la province de Belvedere, & fait aujourd’hui partie du duché de Clarence. Pétrasso y est situé. Les ducs de Savoie portent le titre de prince d’Achaïe depuis le commencement du quatorzième siècle ; époque à laquelle Philippe, comte de Savoie, épousa la fille unique de Guillaume, prince d’Achaïe & de Morée. Nous allons parler de la république des achéens & de la ligue achéenne.

De la république des achéens, de sa grandeur, ses révolutions & sa décadence. L’Achaïe ne tint aucun rang dans la Gréce, tant qu’elle fut soumise à des rois. Accoutumée aux fers de l’esclavage, elle voyoit sans envie ses voisins jouir de l’indépendance. L’habitude rend tout supportable ; & si ses rois n’eussent abusé de leur pouvoir, les achéens auroient toujours été dans la servitude. Leur liberté fut l’ouvrage de l’oppression ; ils sentirent la honte de n’avoir pour loix que la volonté d’un maître ; ils osèrent être libres comme le reste de la Gréce, & les tyrans furent détruits. On ignore combien l’Achaïe eut de rois depuis Achéus, qui donna son nom à cette contrée, jusqu’aux fils d’Ogiges, qui furent chassés du trône que leurs ancêtres avoient occupé.

Après l’expulsion des tyrans, l’Achaïe forma une république composée de douze villes ; chacune d’elles jouissoit de l’indépendance, chacune avoit sa police & ses magistrats ; mais on trouvoit dans toutes le même poids, les mêmes mesures & les mêmes loix ; &, comme elles avoient les mêmes intérêts à ménager & les mêmes dangers à craindre, elles adoptèrent le même esprit & les mêmes maximes. Les distinctions qui produisent des désordres & des émeutes, furent supprimées ; le citoyen le plus vertueux & le plus utile étoit le plus noble & le plus respecté ; le peuple assemblé étoit revêtu de la souveraine puissance ; les magistrats auxquels on confia le dépôt de la loi, n’avoient que le pouvoir nécessaire pour la faire respecter : ainsi on ne vit naître aucun des orages qui se forment souvent dans la démocratie. L’union de ces villes confédérées fut moins l’ouvrage de la politique que de la nécessité. Les achéens avoient pour voisins les étoliens, peuples farouches qui ne subsistoient que de pillage, & qui, sans respect pour les traités & les sermens, fouloient aux pieds les droits de l’humanité : tant qu’Athènes & Sparte furent redoutables ; les étoliens n’exercèrent leurs brigandages & leurs pirateries que sur la Macédoine, l’Illyrie & les Isles ; mais, dès que ces deux républiques affoiblies par leur rivalité ne servirent plus de rempart à la Gréce, ils portèrent la désolation dans le Péloponèse ; & les villes de l’Achaïe sentant qu’elles avoient besoin de toutes leurs forces, se réunirent pour s’opposer aux incursions de ces brigands.

Chaque république renonça au privilège de contracter des alliances particulières avec l’étranger. L’antiquité, la richesse & la population d’une ville ne lui donna aucune prééminence sur les autres ; elles établirent entr’elles une égalité parfaite. On créa un sénat général, où chacune députoit un nombre égal de magistrats. Ce sénat délibéroit de la paix ou de la guerre, & réformoit les abus ; il ne s’assembloit qu’au commencement du printemps & de l’automne ; & s’il survenoit, en son absence, quelques affaires imprévues, les deux préteurs qu’on changeoit chaque année le convoquoient extraordinairement. Ces deux officiers étoient chargés de l’administration durant cet intervalle ; mais ils ne pouvoient rien exécuter que du consentement de dix inspecteurs qui les surveilloient ; & comme ils auroient eu trop de citoyens à corrompre, ils n’abusèrent pas de leur pouvoir ; ils jouissoient d’une autorité absolue à la tête des armées ; mais leur commandement duroit si peu, qu’il n’entraîna aucune suite fâcheuse.

Les achéens s’occupèrent beaucoup de leur bonheur, & ils le trouvèrent dans leur modération ;