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ment du seizième siècle, lorsque les mahométans d’Alger, qui craignoient de tomber sous le joug de l’Espagne, appellèrent les turcs à leur secours. La Porte leur envoya Barberousse qui, après avoir commencé par les défendre, finit par les asservir. Les bachas qui lui succédèrent, ceux qui gouvernoient Tunis & Tripoli, villes également subjuguées & opprimées, exercèrent la tyrannie la plus odieuse ; les habitans d’Alger, de Tunis & de Tripoli s’en délivrèrent ; &, ce qui est assez singulier, le même gouvernement fut adopté par les trois états. Le chef qui, sous le nom de dey, conduit la république, est choisi par la milice qui est toujours turque, & qui compose seule la noblesse du pays. Ces élections ne se font guères sans effusion de sang, & il est ordinaire qu’un homme élu au milieu du carnage, soit massacré ensuite par des gens inquiets qui veulent s’emparer de sa place ou la vendre pour s’enrichir[1]. L’empire de Maroc, qui a englouti successivement les royaumes de Fez, de Tafilet & de Sus, est héréditaire & soumis à une famille nationale ; mais il n’en est pas moins sujet aux mêmes révolutions. Le caractère atroce des souverains & du peuple est la source de cette instabilité. Voyez l’art. Maroc.

L’intérieur de la Barbarie est rempli d’Arabes qui ont les mœurs des premiers âges ; ils sont pasteurs, errants & sans domicile. Des usages choquans pour notre délicatesse, leur paroissent nobles & simples, comme la nature qui les dicte. Lorsque les plus qualifiés de ces arabes veulent recevoir un étranger avec distinction, ils vont chercher eux-mêmes le meilleur agneau de leur bergerie ; ils l’égorgent de leurs propres mains ; &, comme les patriarches de Moïse ou les héros d’Homere, ils le coupent par morceaux, tandis que leurs femmes s’occupent des autres préparatifs du repas. Tous, les enfans des deux sexes, ceux même des Scheiks & des émirs, gardent les troupeaux.

Le gouvernement & la religion ne sont pas les mêmes par-tout : il y a des chrétiens en Égypte & dans l’Abyssinie. Si le christianisme est éteint dans la Nubie, ce n’est pas depuis fort long-temps. Le mahométisme règne en plusieurs endroits ; le reste est encore plongé dans l’idolâtrie : on veut même qu’il y ait en Afrique des peuples qui n’ont aucune idée de religion.

Le gouvernement y est presque par-tout bizarre, despotique, entiérement dépendant des passions & des caprices du souverain. Ce n’est guères que sur les côtes orientales de l’Afrique que l’on trouve des formes politiques un peu moins irrégulières. Voyez Alger, Maroc, Tripoli, Tunis, &c. En général, la morale & la législation des africains sont informes, incohérentes. On ne peut fonder avec eux quelque commerce social, que sur leur foiblesse & leur cupidité.

Le sol de l’Afrique n’est pas également bon : il y a de vastes déserts ; mais on y trouve des cantons extrêmement fertiles en bleds & en fruits excellens, de plusieurs sortes. Pline assure en plus d’un endroit que dans la province de Bysacium, qui dépendoit de Carthage, un boisseau de froment, en produisoit cent cinquante.

Chacun sait que la compagnie des Indes orientales hollandoises a au Cap de Bonne-Espérance un immense jardin, dans lequel on cultive avec un extrême succès les productions de tous les climats.

Il est sûr qu’il y a en différens pays de l’Afrique, des mines d’or & d’argent. Le Monomotapa, & le Monoemugi abondent en or, si l’on doit s’en rapporter aux relations des voyageurs, qui n’en parlent cependant pas tous d’une manière également avantageuse. Il est probable que les plus véridiques sont ceux qui grossissent le moins les objets. Personne n’ignore que sur les côtes de la Guinée & des pays voisins, il se fait un grand commerce de poudre d’or. Le pays d’Ophir, où Salomon envoyoit des flottes qui enrichirent prodigieusement son royaume, est, au jugement du savant Huet, la côte de Sofala, à l’orient de l’Afrique, vis-à-vis l’île de Madagascar.

On tire du bled, des dattes & autres fruits de la Barbarie ; du vin, du sucre de Madère, des Canaries, & des îles du Cap-Verd ; de la gomme & du miel, du Sénégal ; de la poudre d’or, de l’ivoire & des épiceries, de la Guinée, du Congo, de Melinde & de l’Abyssinie. Voyez les articles Barbarie, Madère, Canaries, Cap-Verd, Sénégal, Guinée, Congo, Melinde.

Il ne se fait guères de commerce en Afrique que sur les côtes. Il y en a peu depuis les royaumes de Fez & de Maroc, jusqu’aux environs du Cap-Verd. Les établissemens sont vers le Cap & entre la rivière du Sénégal & celle de Serre-Lione dans la Guinée. Quoique d’autres nations abordent à la côte de Serre-Lione, les Anglois & les Portugais seuls y ont des établissemens. Les François font quelque commerce sur celle de Malaguette ; ils en font davantage au petit Dieppe & au grand Sestre. La côte d’Ivoire ou des Dents est fréquentée par tous les Européens. Presque tous ont aussi des comptoirs & des forts à la côte d’or. Le Cap Corse est le principal établissement des Anglois. On trafique peu à Ardre. Benin & Angola fournissent beaucoup de Négres. Si on excepte le Cap de Bonne-Espérance qui appartient aux Hollandois, on ne fait point de commerce dans la Caffrerie ; les Portugais ont des établissemens à Sofala & sur le canal de Mozambique. Les François & les Vé-

  1. Voyez les articles Alger, Tripoli & Tunis.