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DISCOURS

Placé dans une époque où la simplicité des mœurs antiques, l’énergie des vertus républicaines cédaient à l’ivresse de la prospérité politique, à l’éclat des beaux arts, aux progrès & à la vanité de l’esprit, il tourna toute la pureté & la beauté de son ame vers l’honnête & le juste ; il voulut les pratiquer dans une perfection qu’on n’avoit pas encore connue ; il s’occupa en même-temps de les réduire en principes, d’en faire la science & le bonheur suprême de l’homme. Dans un si beau dessein, il avoit pour ennemis tous les autres philosophes, qui ne cherchoient qu’à éblouir, par de chimériques doctrines, & à plaire par des maximes de corruption. Il voulut donc, & il sut les décrier. Doué d’un esprit éminemment juste, il sut lui donner tout le piquant d’un esprit fin ; alliant heureusement la simplicité de la vertu & la sagacité de la malice, il alloit écouter les sophistes, feignoit d’avoir besoin de tout apprendre pour les amener à tout dire, feignoit quelquefois de les admirer, pour leur donner toute l’audace de l’ignorance présomptueuse ; par des questions nettes, les forçoit à des réponses positives ; & détruisant, sans qu’ils s’en apperçussent, tout l’échafaudage de leur vain savoir, il les montroit tels qu’ils étoient, des charlatans de vérité & de sagesse ; il en faisoit ainsi les instrumens de leur propre humiliation. Il se servoit du même art, pour expliquer la vérité que pour attaquer l’erreur. Il aimoit sur-tout à l’enseigner à la jeunesse, plus docile à la voix de la raison & de la nature, & aussi propre à en affermir les maximes qu’à les goûter, parce qu’en les adoptant avec la vivacité de ses passions, elle peut encore les soutenir de toute la constance des premières habitudes.

Le premier, entre les philosophes, il ne chercha le vrai que par l’examen exact des idées & des choses, & il ne l’enseigna que par des indications justes & adroites ; il exerçoit l’esprit en l’instruisant ; il le vouloit bon plutôt que savant : ma mère étoit l’accoucheuse des femmes, disoit-il, & moi je suis l’accoucheur des esprits. C’est un grand malheur que cet heureux génie ait borné ses recherches à la morale, & qu’il n’ait rien écrit. Ses sublimes exemples servent encore à nous donner une plus haute idée des devoirs & des forces de l’homme ; mais ses sages principes ont péri avec lui. Honoré comme un Dieu, par sa patrie qui l’avoit fait mourir dans un supplice, son nom désormais présida à la philosophie des grecs ; toutes les sectes se rallièrent à son école, mais sans se réunir ni dans les vérités, ni dans la méthode qu’il avoit enseignée.