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iv
DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

Des feuilles d’abord garantirent l’homme des intempéries auxquelles sa dégénération l’avoit rendu trop sensible, Consuerunt folia ficûs, & fecerunt sibi perizomata. Bientôt des plantes, des herbes, des écorces en nature furent mises en usage ; Hérodote, Strabon, Séneque, nombre de voyageurs & d’auteurs modernes, qui ont fait des recherches sur les costumes, nous représentent diverses nations ainsi vêtues. De longs filamens de plusieurs sortes de végétaux indiquent le même emploi par leurs propriétés, la souplesse & la force : on les froissa, on les tordit dans les doigts ou sous la main pour augmenter leur douceur & accroître leur résistance : on en joignit plusieurs ; delà les tresses, les nattes imaginées bien avant le tissu régulièrement croisé, imaginé lui même longtems avant la filature proprement dite.

Tiges
de bois
liant
Ecorces
diverses.
Fibres,
Feuilles,
Joncs
, &c.
Avant toute autre matière, la tige des bois liants, l’orme, la sanguine, le bouleau, l’osier surtout, puis le genêt, le jonc, les feuilles de typha, de sparganium, d’iris, celles de palmier, l’écorce du saule, du hêtre, du sapin, du bouleau, celle de tilleul sur laquelle même on écrivoit anciennement ; le papyrus, des joncs, des gramens furent successivement employés en liens, en fils, en cordages, en voilures.

Au rapport d’Hérodote, les Indiens de l’armée de Xerxès étoient couverts d’écorces, leurs cables étoient fabriqués avec une sorte de roseau appellé Byblos ; cette nation nous est représentée composant ses vêtemens d’écorces, & ne les variant alors qu’avec des joncs & des herbes, des plantes diverses.

En Asie, on tiroit du genêt un fil excellent à l’usage des filets : les Pisantins de nos jours font d’excellentes toiles de son écorce ; d’après quoi on peut en croire Pline, malgré les doctes commentaires de son nouveau traducteur.

L’Afrique cordoit la feuille de palmier comme le fait encore aujourd’hui la Sicile : de l’écorce intérieure du papyrus, l’Egypte fit des cordes, des nattes, les voiles de ses navires, les chaussures de ses prêtres, des couvertures, des étoffes enfin.

Tous les cordages de la flotte du roi Antigonus étoient de papyrus ; on n’en faisoit point alors de sparte, espèce de gramen qui vient sans culture aux environs de Carthagène & dans les parties arides de la province de Murcie, & qui n’est connue que depuis la première guerre des Carthaginois en Espagne : gramen que les Espagnols emploient à divers usages, qu’ils câblent en cordage, qu’ils tressent en nattes ou filets dont ils forment les parcs pour les moutons, qu’ils filent même aujourd’hui & dont ils font de très-belles toiles ; ainsi que de l’aloës pite, dont ils tirent un fil si sia qu’on l’emploie en Catalogne à faire des blondes.

On faisoit macérer dans l’eau ces différentes matières ; on les frappoit de maillets de bois sur la pierre, pour les adoucir & les rendre plus souples.