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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.


fines, & celles du vacoua[1] dont on fait des tissus communs, pour linges, vêtemens & ustensiles de ménage. Les habitans de beaucoup d’îles de la mer du sud, au nombre desquels sont les Taïtiens, n’ont de vêtemens que de l’écorce de l’arbre de pin.

Aux Antilles, dans la Guiane, sur les bords de l’Orénoque, on fait de l’écorce de Mahoc, des hamacs, des filets de pêcheurs, & l’on en calfate les pirogues. Dans plusieurs provinces de France, à Paris même, on fait des cables de l’écorce de Tilleul, & l’on n’employoit de cordes à puits que de cette matière avant l’usage du sparte.

Chez les Anciens, le changement de pratique dans les Arts est plus sensible pour nous, que la perfection d’aucun procédé ; nous n’appercevons le premier, que lorsque le hazard leur ayant présenté de nouveaux objets, fourni ou soustrait quelque matière, a fait naître un changement alors indispensable : au lieu qu’il ne paroît pas que nous ayons rien acquis quant à la perfection des procédés. En tout ce qui nous est connu, des Egyptiens surtout, & qui nous est commun avec eux, nous procédons encore de la même manière, & sans arriver toujours au même but. La morale & les loix ne sont pas plus preuve de la sagesse qu’on leur accorde, que les arts utiles qu’on leur conteste, quoiqu’ils y fussent également versés.

Lin
et Chanvre
.
Le Lin trouvé & son usage reconnu, il fut le type, si l’on peut s’exprimer ainsi, & son nom devint le nom générique de toutes les plantes que la configuration, le port ou les propriétés en rapprochent, tels que le lin vivace de Sibérie, (linum perenne, Lin.) le chanvre, le houblon, les orties de différentes espèces, l’aloës pitte, l’yuca, l’écorce des tiges de guimauve dont on tire une filasse si résistante & si douce, le bananier & une infinité d’autres qui servent en tant de pays, avec autant de succès, aux mêmes usages que le chanvre & le lin.

  1. Avec les feuilles de vacoua, autre arbre de Madagascar, on fait des nattes, des bonfts, des sacs, &c. Les feuilles du matte, au Mexique, servent à faire des nattes, des cordages, des ceintures, des souliers, des étoffes : Carreri ajoute que du fil qu’elles fournissent, on fait une espèce de dentelle & d’autres ouvrages très-délicats. Leurs propriétés ne font pas pplicables aux seuls vêtemens ; lorsque ces feuilles sont très-jeunes, on les confit pour les manger ; beaucoup plus tard, elles donnent une liqueur qu’on laisse fermenter & qui est très-spiritueuse.
    Il est inconcevable pour-nous autres malheureux habitans de ces contrées hyperboréennes, à qui une nature maratre donne tant de besoins, & dont elle exige de si grands travaux pour les satisfaire, combien, avec des desirs modérés & d’abondans moyens, les peuples des vastes régions que nous venons de parcourir en idée, ont de douceurs à vivre. Après quelques heures de travail, dans la tranquillité du corps & la sérénité de l’ame, un homme peut se reposer & jouir en paix à l’ombre de l’arbre qui le nourrit & le vêt la plus grande partie de l’année.
    Dans toutes les îles des Indes, on ne vit presque que de fruits délicieux & substanciels. Par-tout, jusqu’à Madagascar, où l’art a cru enchérir sur la nature, chaque homme du peuple fait à-peu-près tout ce qui lui est devenu nécessaire : il n’y a pas de maison où il n’y ait un métier de tisserand.
    {{Alinéa|Dans la plupart de ces îles, & sur-tout aux Philippines, les seuls cotons sont si abondans, ainsi que les matières tinctoriales, plantes, bois, écorces, racines ; les travaux font si faciles, les couleurs si belles ; on les obtient si aisément, qu’il semble qu’on y récolte les productions de l’art, comme on le fait des fruits de la nature.