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un grand nombre d’animaux par les vapeurs méphytiques, y a même remarqué de petites déchirures. On ſe tromperoit cependant, en regardant la léſion de la reſpiration, comme la ſeule cauſe des accidens qu’éprouvent les aſphixiés ; l’expérience ſuivante ſemble démontrer le contraire. On ſait que les grenouilles vivent quelquefois une ou deux heures après qu’on leur a ôté le poumon. M. Spalanzzani en a expoſé pluſieurs auxquelles il venoit de l’enlever, à l’action d’un fluide méphytique, ſous un bocal, & il les a vu périr preſque sur le champ. Le docteur Carminali, dans un grand ouvrage ſur les exhalaiſons méphytiques, aſſure que leur effet eſt de détruire promptement l’irritabilité.

Pluſieurs faits prouvent auſſi que les perſonnes tombées en aſphixie, ont ſouvent quelques-unes de leurs parties dans un état de ſpaſme. M. Harmant, & pluſieurs autres médecins, ont vu quelquefois les mâchoires des perſonnes aſphixiées, très-ſerrées l’une contre l’autre ; & ce ſpaſme varie ſuivant la nature du gaz dans lequel le malade a été plongé. Le gaz inflammable eſt celui de tous qui donne le plus de mal-aiſe ; il occaſionne des convulſions & même le tétanos. Le gaz fixe produit enſuite les effets les plus fâcheux ; la vapeur du charbon n’a pas tout-à-fait autant d’énergie, ainsi que l’a prouvé M. Buquet.

Tous les effets de cette maladie paroiſſent donc devoir être déduits, 1o. d’une ſorte d’engourdiſſement occaſionné par l’action des vapeurs méphytiques ſur les nerfs ; 2o. du défaut de reſpiration ; 3o. des engorgemëns plus ou moins conſidérables, qui en ſont une ſuite néceſſaire.

Les indications que l’on doit ſe propoſer en pareil cas, paroiſſent être les ſuivantes, aux commiſſaires de l’académie des ſciences, MM. Portal & Vicq-d’Azir, dans un rapport dont on trouve ici un précis.

1o. Détruire l’engourdiſſement nerveux par quelque ſecouſſe ou irritation ; 2o. rétablir le jeu des poumons ; 3o. prévenir les accidens qui ſont la ſuite de l’engorgement.

Cæſalpin, Panarolle, Boerhaave, Wagner, Lorry, Boucher, Fothergill, &c., ont conſeillé avec ſuccès d’expoſer les malades aſphixiés par la vapeur du charbon, à l’air frais, & de leur jeter de l’eau froide ſur le corps ; de leur faire reſpirer de l’eſprit volatil de ſel ammoniac ; de les frotter par tout le corps, de leur appliquer des véſicatoires, des lavemens de tabac.

L’inſufflation qui peut ſe faire par le nez ou par la bouche, avec le tuyau décrit par M. Piat, ou même avec un ſoufflet, ou de toute autre manière, eſt très-utile.

La plupart des méthodes employées pour rappeler à la vie des aſphixiés, quoique différentes, ont toutes eu du ſuccès ; la raiſon en eſt qu’elles ſont toutes irritantes, toutes excitent, réveillent & c’eſt-là l’objet eſſentiel. Telle eſt la raiſon pour laquelle les acides, les alkalis, les odeurs empireumatiques & fortes, les aſperſions d’eau froide, partielles ou totales, les bains froids, les ſternutatoires, les inſufflations dans la poitrine, les lavemens de tabac, les ſcarifications même y ont réuſſi.

S’il s’agit de ſecourir des aſphixiés dans le lieu même où ſont accumulées des vapeurs méphytiques, il faut que ceux qui s’expoſent ſe faſſent paſſer une corde sous les bras. Si une lumière plongée dans ce lieu, s’y éteint, il faut sur-le-champ y jeter abondamment de l’eau froide, & la répandre à la manière des arroſoirs, en ayant toujours ſoin que les perſonnes tombées en aſphixie, ne ſoient pas ſubmergées

Dans bien des cas, on peut employer avec ſuccès le moyen indiqué par M. de Morveau, & qui conſiſte à répandre de l’acide vitriolique ſur du ſel marin, un peu ſéché auparavant.

La perſonne ſouffoquée par les vapeurs méphytiques, étant une fois tirée de l’endroit infecté, il faut l’en éloigner & la tranſporter dans un lieu frais & bien aéré, la déſhabiller ſi ſon corps eſt ſouillé par quelques immondices, l’étendre par terre ſur un drap, la tête un peu élevée, & lui faire jeter deſſus pluſieurs ſceaux d’eau froide avec force & d’un peu loin, afin d’exciter plus de ſurpriſe. Le corps étant ſuffiſamment nettoyé, on aſſujettira le malade ſur un ſiége bas, où il ſera un peu renverſé en arrière, & pluſieurs perſonnes ſeront occupées ſans relâche à lui jeter ſur le viſage & ſur la poitrine, de l’eau la plus froide par verrées & de loin.

Inutilement on conſeilleroit, à cette époque, des potions quelconques ou la ſaignée ; la déglutition ne pouvant avoir lieu, les fluides ne parviendroient pas juſqu’à l’eſtomac ; d’un autre côté, quand la veine ſeroit ouverte, le ſang ne ſortiroit qu’en très-petite quantité à cauſe de l’inaction de tous les vaiſſeaux, & s’il ſortoit plus abondamment, il ſeroit bien à craindre qu’un affaiſſement mortel n’en fût la ſuite : ainſi, juſqu’à ce que les mouvemens vitaux ſe ſoient fait apercevoir, on ne doit rien attendre que des irritans extérieurs.

Il ne faut pas oublier de ſtimuler la membrane pituitaire, ſoit avec l’alkali volatil, qui eſt très-actif, ſoit avec le ſel de vinaigre, ſoit avec l’acide ſulfureux volatil, dégagé du ſoufre que l’on fait brûler, & qu’il eſt facile de ſe procurer par-tout.

Les frictions faites ſur les différentes parties du corps avec des linges imbibés de vinaigre, procureront auſſi un grand avantage.

Quant à l’inſufflation, pour la mettre en uſage, il ſuffit de placer un tuyau dans le nez ou dans