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damine, &c., ſur la figure de la terre, puiſqu’on y trouve des recherches de théorie dignes d’un profond géomètre.

Les meſures du degré, faites en Autriche, en Piémont, & même celles d’Amérique, exécutée par les anglois, furent entrepriſes à la ſolicitation & par le crédit qu’il avoit auprès des ſouverains & des gens en place ; ce fut lui qui obtint également la reſtauration de la grande méridienne de Florence, qui a 117 pieds de hauteur, dont le P. Ximenès a publié la deſcription, & qui a ſervi à déterminer la variation de l’obliquité de l’écliptique.

Benoît XIV, ce pape ſi inſtruit & ſi ami des ſavans, le chériſſoit & le conſulta ſur les endommagemens trouvés dans la coupole de Saint-Pierre, & pour réduire à une juſte hauteur quelques ports de l’Adriatique & de la mer de Toſcane. On a divers écrits de lui ſur la méthode des digues hydrodinamiques qui empêchent les dégâts des fleuves & en détournent le courant ; ſur les endommagemens du Tibre à Porto-Felice, ſur le projet de changer la navigation de Rome, de Fiumicino à Maccarèſe, ſur deux torrens du Perrugin, ſur les opérations du Panaro, ſur le Tidone de Plaiſance, ſur l’embouchure de l’Adige en mer, ſur des opérations du Pô, ſur quelques autres d’Ancone, ſur la rive de Capo-di-Monte, ſur les ports de Rimini, de Magnavacca, de Savone, & ſur d’autres. Ces écrits ont preſque tous été connus du public. Clément XIII l’avoit déjà chargé de viſiter les marais Pontins, pour le deſſèchement deſquels il fit alors un écrit.

Dans une conteſtation qui s’éleva entre les Florentins & les Luquois, au sujet des eaux, il fut choiſi pour médiateur. De là il paſſa en Angleterre, y reçut les marques d’eſtime les plus diſtinguées, & devint médiateur chez cette nation pour l’avantage de Raguſe ſa patrie. Il fut enſuite deſtiné à ſe porter dans l’Amérique ſeptentrionale ; le roi de Portugal, Jean V, l’envoya au Bréſil pour tracer la carte d’une partie du pays ; il alla à Conſtantinople pour obſerver le paſſage de Vénus fous le diſque du ſoleil. L’univerſité de Pavie le demanda, en 1763, pour profeſſeur, & il y enſeigna pendant ſix ans. Il fut enſuite placé ſur un grand théâtre, à Milan, où il profeſſa pendant trois ans l’Aſtronomie & l’Optique aux écoles palatines ; il s’occupa enſuite de l’obſervatoire royal de Brera, & le rendit un des plus célèbres.

En 1773, lors de la ſuppreſſion des jéſuites en Italie, des perſonnes de conſidération l’engagèrent à venir à Paris, & lui procurèrent le titre de directeur de l’Optique de la marine, avec une penſion de 8 000 livres ſur la marine & les affaires étrangères, & il obtint des lettres de naturalité. Ce fut pour lui une occaſion d’étendre ſes recherches vers la partie la plus neuve, la plus difficile & la moins avancée, la théorie des lunettes acromatiques ; elle occupe un tiers des cinq volumes in-4o qu’il a publiés en 1785 ; on y trouve des choſes très-belles & très-neuves ; il eſt le premier, par exemple, qui ait fait voir pourquoi l’aberration des couleurs dans les lunettes eſt un obſtacle bien moindre que l’aberration dans la figure ſphérique pour la perfection des lunettes, & qui ait montré que les rayons colorés ne peuvent être tous réunis par deux verres de différente eſpèce. Sa méthode pour calculer les comètes eſt une des plus élégantes & des plus ingénieuſes. Enfin, dans tous les problêmes qu’il a traités, on voit briller le génie le plus rare pour la Géométrie.

Le P. Boſcovich s’étoit auſſi montré antiquaire ; il avoit écrit ſur une ancienne ville, découverte de ſon temps du côté de Tuſculum, & ſur l’obéliſque de Céſar-Auguſte. Mais ſa paſſion étoit ſurtout pour la poéſie. Son poëme latin ſur les éclipſes du ſoleil & de la lune eſt auſſi remarquable par la beauté du ſtyle que par l’adreſſe incroyable avec laquelle il a rendu en vers harmonieux les choſes les plus difficiles de théorie & de calcul.

Avec des talens auſſi variés le père Boſcovich devoit être & étoit en effet fort aimable en ſociété à laquelle il ſe livroit volontiers. On remarquoit bientôt dans ſa converſation une abondance d’images & de traits puiſés dans ce que l’hiſtoire a de plus important, ce que l’éloquence a de plus fort, & ce que la poéſie a de plus agréable. On connoît ce fameux diſtique ſur la pompe à feu qu’il fit en converſation.

Irarum oblitæ, flamma hic conſpirat & unda,
Civibus optatas ipſe dat ignis aquas.

Son mérite n’empêcha pas qu’il n’éprouvât, de la part de quelques ſavans, des déſagrémens auxquels il fut trop ſenſible ; cela le détermina même à quitter Paris en 1783, pour aller faire imprimer ſes ouvrages en Italie, & de là il ſe retira à Milan ; l’empereur venoit de lui confier l’inſpection d’une meſure du degré qu’il avoit ordonnée en Lombardie & d’une carte qu’on y devoit lever. Le père Boſcovich préparoit l’impreſſion de ſes commentaires ſur les deux derniers volumes du poëme aſtronomique de M. Stay, qui traitent de la lumière & des élémens des corps, & des queſtions fameuſes que Newton a mises à la fin de ſon optique.

Quelque temps avant ſa mort il tomba dans une profonde tristesse, au point de repouſſer toute eſpèce de conſolations. Son eſprit s’affoiblit, ſon impatience s’échauffa, ſes idées ſe dérangèrent, de