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chine eſt enſuite placée dans une boîte de bois, ſur le fond de laquelle eſt établi le pied de la bouſſole. La partie ſupérieure de cette dernière boîte eſt recouverte par un morceau de verre qui garantit toute la machine des injures des vents & de l’air.

Sur le limbe ſupérieur de la boîte cylindrique ſont établies deux pinnules A C, B F, oppoſées entre elles : d’une de ces pinnules à l’autre eſt tendu un fil horiſontal B A qui paſſe au-deſſus du centre de la roſe. Ce fil A B eſt coupé à angles droits par un autre X Z, qui paſſe auſſi au-deſſus du centre de la roſe. La pinnule F B eſt fendue verticalement, ſelon une grande partie de ſa longueur, d’une fente extrêmement étroite. La pinnule C A porte pareillement une fente, mais plus large, coupée par la moitié & verticalement par un fil. Dans la partie intérieure de la boîte cylindrique ſont placées deux perpendiculaires B S, & A Y qui répondent aux deux extrémités de la ligne A B, par le moyen desquels on peut connoître aiſément & exactement le degré correſpondant de la roſe. Cet inſtrument ſert à connoître l’azimuth, & la déclinaiſon de l’aiguille aimantée, au lever & au coucher du ſoleil. Nous renvoyons pour le reſte à l’ouvrage de Muſſchenbroeck, tom. 1er ., page 446 & ſuivantes (Voyez Aimant, Aiguille de Boussole, &c. Magnétisme).

[ On attribue l’invention de la bouſſole à Flavio de Gioia, napolitain, qui vivoit dans le treizième ſiècle : néanmoins on voit, par les ouvrages de Guyot de Provins, vieux poëte françois du douzième ſiècle, qu’on connoiſſoit déjà la bouſſole. Ce poëte parle expreſſément de l’uſage de l’aimant pour la navigation.

Les anciens, qui ne connoiſſoient point la bouſſole, étoient obligé de naviger le long des côtes ; & leur navigation étoit par-là très-imparfaite. On prétend pourtant que des phéniciens, envoyés par Néchao, roi d’Égypte, firent autrefois le tour de l’Afrique, en partant de la mer rouge, & qu’ils furent trois ans à ce voyage : mais ce fait eſt-il bien vrai ? Les anciens, dit l’illustre auteur de l’eſprit des loix, pourroient avoir fait des voyages de mer aſſez longs, ſans le secours de la bouſſole ; par exemple, ſi un pilote, dans quelque voyage particulier, avoit vu toutes les nuits l’étoile polaire, ou le lever & le coucher du ſoleil, cela auroit ſuppléé à la bouſſole : mais c’eſt-là un cas particulier & fortuit.

Les françois prétendent que ſi l’on met par-tout une fleur-de-lys pour marquer le nord, ſoit dans le carton mobile dont les mariniers chargent l’aiguille, ſoit dans la roſe des vents qu’on attache ſous le pivot de l’aiguille au fond des bouſſoles ſédentaires, c’eſt parce que toutes les nations ont copié les premieres bouſſoles, qui ſont ſorties des mains d’un ouvrier françois. Les anglois s’attribuent, ſinon la découverte même, au moins la gloire de l’avoir perfectionnée par la façon de ſuſpendre la boîte où eſt l’aiguille aimantée. Ils diſent, en leur faveur, que tous les peuples ont reçu d’eux les noms que porte la bouſſole, en recevant d’eux la bouſſole même amenée à une forme commode ; qu’on la nomme compas de mer, des deux mots anglois mariniers compaſſ, & que de leur mot box, petite boîte, les italiens ont fait leur boſſola, comme d’Alexandre ils font Aleſſandro (Les italiens diſent boſſolo au maſculin, ſuivant le dictionnaire de Trévoux). Mais la vérité eſt que le mot bouſſole vient du latin buxus, d’où l’on a fait buxolus, buxola, buſſola, & enfin bouſſole. Les eſpagnols & les portugais diſent bruxula, qui ſemble venir de bruxa, ſorcière. Il y a apparence que c’eſt une corruption de buſſola ; quant au nom de mariniers compaſſ, les francois pourroient également prétendre que les anglois l’ont pris d’eux, en traduiſant le nom françois, compas de mer.

Il ne tient pas qu’on n’en faſſe honneur aux chinois. Mais comme, encore aujourd’hui, on n’emploie l’aiguille aimantée, à la Chine, qu’en la faiſant nager ſur un ſupport de liége, comme on faiſoit autrefois en Europe, on peut croire que Marco Paulo, ou d’autres vénitiens, qui alloient aux Indes & à la Chine par la mer rouge, ont fait connoître cette expérience importante, dont différens pilotes ont enſuite perfectionné l’uſage parmi nous. La véritable cauſe de cette diſpute, c’eſt qu’il en eſt de l’invention de la bouſſole comme de celle des moulins, de l’horloge, & de l’imprimerie. Pluſieurs personnes y ont eu part. Ces choſes n’ont été découvertes que par parties, & amenées peu-à-peu à une plus grande perfection. De tout temps on a connu la propriété qu’a l’aimant d’attirer le fer ; mais aucun ancien, ni même aucun auteur antérieur au commencement du douzième ſiècle, n’a ſu que l’aimant ſuſpendu, ou nageant ſur l’eau, par le moyen d’un liége, tourne toujours le même côté vers le nord. Celui qui fit le premier cette remarque, en demeura là, il ne comprit ni l’importance, ni l’uſage de ſon admirable découverte. Les curieux, en réitérant l’expérience, en vinrent juſqu’à coucher une aiguille aimantée ſur deux brins de paille poſés ſur l’eau & à remarquer que cette aiguille tournoit invariablement la pointe vers le nord. Ils prenoient la route de la grande découverte : mais ce n’étoit pas encore là la bouſſole. Le premier uſage que l’on fit de cette découverte, fut d’en impoſer aux ſimples par des apparences de magie, en exécutant divers petits jeux phyſiques, étonnans pour ceux qui n’en avoient pas la clef. Des eſprits plus ſérieux appliquèrent enfin cette découverte aux besoins de la navigation ; & Guyot de Provins, dont nous avons parlé, qui ſe trouva à la cour de l’empereur Frédéric à Mayence, en 1181, nous apprend, dans le