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d’appareil groſſes en proportion : le tout bien renfermé dans des murailles de brique, entourées de plume ou de poil (comme les ſerres de Botanique), afin d’entretenir l’air de la chambre dans une température propre à l’expérience ; l’uſage bien entendu de cette machine, pourroit conduire à de nouvelles découvertes auſſi intéreſſantes qu’inattendues ; des carillons électriques, montés à deſſein, ſerviroient à faire connoître l’électricité de l’atmoſphère ; & une couple de petites boules de liège ou de moëlle, ſuſpendues à l’appareil par des fils de chanvre, en indiqueroient le genre, la durée, & le changement. Néanmoins il y aura encore des occaſions où l’on ſe trouvera bien d’expoſer en plein air un long bâton muni d’une boîte & de deux petites boules de liège, qui ſeront ſuſpendues au bout ; elles feront découvrir les plus petits degrés de l’électricité atmoſphérique, qui ne ſuffiroient pas pour faire ſonner les clochettes ». Tranſactions philoſophiques, année 1773.

M. Achard a fait auſſi à Berlin des obſervations ſur l’électricité des brouillards, desquelles il réſulte également que le brouillard eſt preſque toujours accompagné d’électricité plus ou moins grande. Il a de plus remarqué que, dans l’eſpace de quelques minutes, l’électricité ayant entièrement cessé, le brouillard étoit tombé ſous la forme d’une pluie très-fine, & avoit entièrement diſparu, quoique fort épais, dans moins d’un demi-quart d’heure. Mémoires de l’Académie de Berlin, &c.

La plus forte électricité qui règne dans un air non orageux, a lieu généralement, au moins à Genève, dans le temps des brouillards. En employant le petit électromètre ſenſible, armé de ſa pointe, M. de Sauſſure, ainſi qu’on le voit dans le tome ſecond du voyage dans les Alpes, page 221, n’a jamais vu de brouillards qui ne fuſſent accompagnés d’une électricité ſenſible, ſi ce n’eſt pourtant lorſqu’ils ſe réſolvent en pluie ; car, dans cette circonſtance, ils en ſont quelquefois dépourvus.

Le brouillard extraordinaire qui parut dès le milieu de Juin 1783, – & ſervit de rideau pendant pluſieurs mois à preſque toute l’Europe, a trop excité la curiosité générale & l’attention des obſervateurs, par les phénomènes qu’il a présentés, pour n’en pas parler ici avec quelque détail. La première époque de ſon apparition, dans les différentes contrées où il a été vu, eſt celle du 18 Juin. Pluſieurs orages en avoient été, ce ſemble, les précurſeurs, comme ils en furent la ſuite, ainſi qu’on le prouvera. Ce jour là on remarqua un brouillard léger, répandu dans toute l’atmoſphère, au travers duquel on apperçut néanmoins le ſoleil, quoique très-pâle. On put généralement partout fixer le ſoleil, ſans être obligé de ſe ſervir de verres colorés ou enfumés, & l’action de ſes rayons étoit ſi foibles qu’on n’en étoit point incommodé.

Les diverſes couleurs, ſous lesſquelles l’aſtre du jour ſe montra, n’avoient rien de particulier, mais étoient une ſuite de la différente réfringence du brouillard, dont la densité varioit accidentellement dans diverſes contrées. Les rayons du ſoleil étant donc inégalement réfrangibles, ont dû pénétrer plus ou moins facilement le milieu qu’ils avoient à traverſer, pour parvenir juſqu’à l’œil des obſervateurs : de là le ſoleil a dû paroître ſous différentes couleurs ; mais comme, des ſept eſpèces de rayons en leſquels la lumière eſt décompoſée, les rouges, les orangers & les jaunes ont plus de force, ils paſſoient plus facilement au travers de ce nouveau milieu, c’eſt-à-dire du brouillard, & conſéquemment le ſoleil reſſembloit quelquefois à un globe d’un rouge de ſang ; d’autrefois il paroiſſoit d’une couleur jaunâtre : plus ſouvent il étoit pâle & blanchâtre par l’abſence des rayons de différentes couleurs, qui ne parvenoient point juſqu’à nous ; phénomène qui avoit communément lieu, lorſque le ſoleil étoit à une grande hauteur au deſſus de l’horizon ; tandis qu’en s’approchant de ce cercle, ſoit à ſon lever, ſoit à ſon coucher, il reſſembloit aſſez à un globe couleur de ſang, ſes rayons ayant alors à parcourir un plus grand eſpace horizontal.

Ce brouillard dura pendant pluſieurs mois, & le ſoleil ne ſe montra alors qu’avec les apparences dont nous venons de parler. La durée & l’univerſalité de ce phénomène piquèrent doublement la curioſité des ſavans, & les excitèrent à en rechercher les cauſes : nous ferons bientôt mention de leurs efforts. Mais avant que d’en parler, il eſt à propos de dire un mot des obſervations météréologiques faites avant l’apparition de ce météore.

L’automne précédente avoit été très-froide & très-humide ; la température de l’hiver fut humide, & le printemps froid & aſſez humide. Au lieu de trois ou quatre pouces d’eau que fourniſſent ordinairement les trois mois d’hiver, le pere Cotte a remarqué qu’il en étoit tombé douze pouces, tandis que dans les provinces méridionales on ſe plaignoit d’une ſéchereſſe depuis deux ans. La douceur extrême de l’hiver occaſionna des fontes de neiges en Auvergne & ailleurs, qui ne contribuèrent pas peu à ces pluies abondantes & aux inondations qui en furent les ſuites.

Le 5 février précédent étoit ſurvenu l’affreux tremblement de terre de la Calabre & de la Sicile, qui dura pendant cinq mois, puiſque la terre n’étoit pas encore raffermie en juin. Des pluies continuelles précédèrent auſſi, dans cette malheureuſe contrée, cette violente convulſion de la nature. La terre les avoit tellement abſorbées, qu’elle n’en paroiſſoit pas extérieurement détrempé, dit le pere Cotte. L’atmoſphère de l’Europe entière s’en reſſentit, comme il conſte par les oſcillations bruſques &

fréquentes que