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AIR

sité, la mobilité & la cohérence. Or, tous ces attributs ſe remarquent dans l’air. Il eſt étendu, puiſqu’il jouit des trois dimenſions qui caractériſent l’étendue, ſavoir : la longueur, largeur & profondeur qui lui ſont propres en tous lieux & en tous temps. Son étendue étant bornée & circonſcrite dans tous les endroits où il exiſte, il s’y moule en quelque ſorte, & prend une figure qui n’eſt autre choſe que la détermination des limites d’une ſubſtance. L’air étant étendu, doit être impénétrable ; parce que l’étendue lui faiſant occuper un eſpace proportionnel à ſa maſſe, il ne peut y admettre en même temps une autre ſubſtance ; & lorſqu’il lui eſt impoſſible de ſortir de cet eſpace, & qu’il a obéi à la force comprimante, il oppoſe une réſiſtance inſurmontable. Un grand nombre d’expériences prouvent cette propriété de l’air. Nous les expoſerons à l’article Impénétrabilité. L’air eſt diviſible, car la diviſibilité eſt une ſuite de l’étendue : point d’étendue ſans parties placées à côté les unes des autres ; & s’il y a multiplicité de parties dans une ſubſtance, on peut les ſéparer ou les concevoir ſéparées ; d’ailleurs, nous le diviſons tous les jours très-facilement, en exécutant, dans l’atmoſphère qui nous entoure, divers mouvemens. S’il y a un grand nombre de parties différemment arrangées entr’elles, & très-mobiles, il eſt néceſſaire qu’elles ſoient plus ou moins éloignées les unes des autres ; qu’elles laiſſent des intervalles divers, c’eſt-à-dire, qu’il y ait une poroſité. L’expérience prouve encore que l’air eſt doué d’une grande poroſité, puiſqu’il contient dans ſon ſein une grande quantité d’eau, de vapeurs & d’exhalaiſons qu’il tient en diſſolution ou en ſuſpenſion. Voyez Porosité, Dissolution, Hygromètre. L’air eſt encore très-mobile, puiſqu’il reçoit les impreſſions d’une infinité de puiſſances motrices, & qu’il leur obéit avec la plus grande facilité. Il eſt ſuſceptible de toutes les ſortes de mouvemens, de toutes les directions poſſibles, de toutes les vîteſſes imaginables. Des maſſes d’air plus ou moins conſidérables ſont aiſément tranſportées d’un lieu dans un autre, & communiquent également à d’autres corps une partie de leur mouvement. Enfin, on ne ſauroit douter que l’air ne jouiſſe de cette propriété connue ſous le nom de cohérence, d’adhérence, d’adhéſion, c’eſt-à-dire, d’attraction. Voyez l’article Adhérence, dans lequel nous avons rapporté pluſieurs expériences ſur cet objet ; voyez auſſi Cohérence & Attraction. L’attraction étant une propriété générale de la matière, tout corps attirant & étant attiré, l’air doit conſéquemment être doué de cette propriété. Tous les attributs qui conſtituent la matière convenant à l’air, on ne ſauroit donc s’empêcher de conclure de ce qu’on vient de dire, que l’air eſt un corps, une ſubſtance matérielle.

[On peut reconnoître l’air, à une infinité de caractères : nous en allons ici expoſer quelques uns.

1o. Lorſqu’on renferme l’air dans quelque vaiſſeau de métal ou dans un verre, il y reſte ſans qu’il lui arrive aucun changement, & toujours ſous la forme d’air : mais il n’en eſt pas de même des vapeurs ; car dès qu’elles deviennent froides, elles perdent toute leur élaſticité, & vont s’attacher tout-autour des parois internes du verre, d’où elles dégouttent & tombent enſuite en bas, de ſorte que les verres & les vaiſſeaux, qui auparavant, étoient remplis de vapeurs élaſtiques, ſe trouvent enſuite comme vuides. Il en eſt à-peu-près de même des exhalaiſons des autres corps, qui ſe diſſipent avec le temps, & ſe perdent en quelque manière, lorſque leurs parties, après avoir perdu l’élaſticité qu’elles avoient, viennent à ſe réunir & à ne faire qu’un corps. Cela paroît par pluſieurs expériences qui ont été faites par M. Boyle avec l’air que l’on tire des raiſins, de la pâte de farine, de la chair, & de pluſieurs autres corps. Cela ſe confirme auſſi par les expériences dont M. Hales a donné la deſcription dans ſon ouvrage intitulé la Statique des végétaux, & l’analyſe de l’air.

2o. Une autre propriété de l’air, c’eſt que par ſon moyen les corps terreſtres qui ſont en feu, continuent de brûler juſqu’à ce que les parties qui peuvent contenir du feu, ſoient conſumées ; au contraire les vapeurs & les exhalaiſons éteignent dans l’inſtant le feu le plus vif, de même que l’éclat des charbons & du fer ardent. Ces mêmes vapeurs, bien loin d’être néceſſaires à la reſpiration, comme l’air, y nuiſent, & quelquefois ſuffoquent ; témoin l’effet du ſoufre allumé, & celui de la grotte d’Italie, où un chien eſt ſuffoqué en un clin d’œil.

3o. Si l’air n’eſt pas un fluide différent des vapeurs & des exhalaiſons, pourquoi reſte-t-il tel qu’il étoit auparavant, après une groſſe pluie mêlée d’éclairs & de tonnerre ? En effet, lorſqu’il fait des éclairs, les exhalaiſons ſe mettent en feu, & tombent ſur la terre en forme de pluie avec les vapeurs : mais après la pluie on ne remarque pas qu’il ſoit arrivé aucun changement à l’air, ſi ce n’eſt qu’il ſe trouve purifié : il doit donc être différent des exhalaiſons terreſtres. Muſſch. Eſſai de Phyſ.

Quant à la nature & à la ſubſtance de l’air, nous n’en ſavons que bien peu de choſe, ce que les auteurs en ont dit juſqu’à-préſent n’étant que de pures conjectures. Il n’y a pas moyen d’examiner l’air ſeul & épuré de toutes les matières qui y ſont mêlées ; & par conſéquent on ne peut pas dire quelle eſt ſa nature particulière, abſtraction faite de toutes les matières hétérogènes parmi leſquelles il eſt confondu.

Le docteur Hook veut que ce ne ſoit rien autre choſe que l’éther même, ou cette matière fluide & active répandue dans tout l’eſpace des régions céleſtes ; ce qui répond au medium ſubtile, ou milieu ſubtil de Newton. Voyez Éther, Milieu.