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moins épars, preſque tout le tour de l’horiſon ; le ſoleil étoit caché par pluſieurs nuages qui étoient dans la partie de l’oueſt ; mais leur portion ſupérieure étoit dorée par les rayons du ſoleil, ou plutôt fortement éclairée par eux. Il eſt probable que ce phénomène dépend de la décompoſition des rayons du ſoleil, qui, paſſant ſur la partie ſupérieure d’un nuage vertical & réfringent, alloient enſuite ſe peindre ſur un autre nuage vers l’orient. C’étoit l’expérience même du priſme faite par la nature en grand, comme nous la faiſons en petit dans nos cabinets. On marquoit encore au-deſſus & au-deſſous de cet iris perpendiculaire, des nuages plus épais, qui contribuoient à faire paroître les couleurs plus vives & plus brillantes ; je puis dire n’en avoir jamais vu de plus éclatantes. Ce phénomène dura environ un demi-quart d’heure.

À la ſuite de ces obſervations, nous en ferons connoître une aſſez ſingulière qu’on doit à un phyſicien diſtingué.

M. l’abbé Dicquemare obſerva au Havre, le 18 juin 1777, à 7 heures 30 minutes du ſoir, un iris ſingulier du côté de l’oueſt. Il vit ſur un nuage un petit iris en zig-zag, ou plutôt en petite équerre, deux petites branches formant un angle droit : on n’y apercevoit bien diſtinctement que le vert & le rouge ; cette dernière couleur étoit du côté du ſoleil. Une gloire compoſée des mêmes couleurs & dans le même ordre, couronnoit le nuage qui paroiſſoit au travers de l’iris. Le tout enſemble formoit un groupe tendre & fort agréable.

Arc-en-ciel lunaire. Les arcs-en-ciel produits par la lune ſont aſſez rares ; car les obſervateurs modernes qui ſe conſacrent aux obſervations météorologiques, n’en aperçoivent qu’un petit nombre.

Aristote, qui prétend qu’avant lui on n’avoit point remarqué l’iris lunaire, nous apprend que de ſon temps on en vit paroître deux dont la couleur étoit blanche. Pline & Sénèque n’en parlent que ſur le témoignage des philosophes Grecs.

Cornelius Gemma, médecin de Louvain, rapporte que le 12 mars 1569, il vit à minuit un iris lunaire qui avoit toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Bernier aſſure, dans ſes mémoires ſur l’empire du Mogol, qu’il a vu deux fois l’iris lunaire à Delli, & qu’il l’a de même obſervé deux nuits de ſuite, en allant par eau de Pipli à Ogouli, & toujours dans la partie du ciel oppoſée à la lune, cet aſtre ſe trouvant dans ces circonſtances vers l’occident & à son plein. Ces iris, au rapport de l’obſervateur, étoient plus colorés que les couronnes, & on y remarquoit même quelque foible diſtinction des couleurs.

Au mois d’octobre 1671, on obſerva un phénomène de ce genre dans le Brandebourg, quatre ou cinq jours après la pleine lune, le matin, avant le lever du ſoleil. Cet iris étoit du côté de l’orient, dans des nuages & des brouillards, & les ſeules couleurs rouge & jaune manquoient ; la lune étoit du côté de l’occident, & élevée ſur l’horiſon d’environ 80 degrés ; le ciel étoit clair & ſerein dans cette partie. Gemma Friſi en a vu un coloré, ainſi que Daniel Sennert, en 1599 ; Snellius en a vu deux, en deux ans de temps ; Plot en a remarqué un en 1675.

Le 2 février 1684, on vit en Saxe, le ſecond jour après la pleine lune, un halo ou couronne, au centre de laquelle se croiſoient deux bandes blanches ; celle qui étoit parallèle à l’horiſon, s’étendant au-delà de la circonférence de la couronne, coupoit l’autre en deux points, à chacun deſquels étoit un paraſélène, & ce météore étoit ſurmonté par une eſpèce d’iris incomplet. Ce phénomène fut vu à Dreſde, à Leipſick, à Berlin & dans la Sileſie.

En 1693, le 18 juillet, à neuf heures & un quart du ſoir, la lune étant aſſez claire du côté du midi, & le ciel couvert au nord d’un nuage épais, on aperçut un arc-en-ciel lunaire aux environs de Bourges ; il étoit d’une couleur blanchâtre.

Je me ſouviens d’avoir vu, dit Mariotte, (Traité des couleurs) tom. Ier de ſes œuvres poſth, p. 268) il y a fort long-temps, en une même nuit, trois arcs-en-ciel à la lune, ſans couleur ; c’étoit au mois d’octobre, deux ou trois heures avant le jour ; & ils se firent l’un après l’autre dans des brouillards ſéparés. Il eſt fâcheux que cet exact obſervateur n’ait donné aucune deſcription de ce phénomène.

M. Thoresby a obſervé un arc-en-ciel lunaire, remarquable par la beauté & l’éclat de ſes couleurs. (Tranſ. philoſ.)

Le 17 décembre 1709, le P. Feuillée obſerva à Lima, ſur les huit heures & demie du ſoir, un arc-en-ciel lunaire, très-bien formé, « la lumière duquel étoit réfléchie par un foible nuage étendu ſur les pleyades, & ſur l’étoile de la première grandeur de l’épaule orientale d’orion. Cette lumière nous repréſentoit des couleurs pâles qu’on diſtinguoit aiſément les unes des autres ſur le même nuage, pendant que cet arc-en-ciel parut. Ce que je remarquai de ſingulier dans ce phénomène, fut qu’il ne paroiſſoit dans le ciel que le ſeul nuage qui le formoit, & qu’on voyoit confuſément les étoiles à travers de ce nuage, marque de ſa rareté. Cet arc-en-ciel ſe conſerva tout entier durant 4 à 5 minutes, quoique pouſſé par un petit vent qui ſépara en petite partie le nuage qui le repréſentoit, & peu de temps après il diſparut. » Journal des obſervations phyſiques mathématiques & botaniques du P. Feuillée. Tom. I. pag 483.

M. Weidler vit en 1719 un iris lunaire, la lune étant à demi-pleine : à peine pût-il reconnoître les couleurs ; les ſupérieures étoient néanmoins