Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/530

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n’éclatent qu’à certaines élévations ; l’eſpèce & le nombre des pièces d’artifice, dont on ſera convenu ſecretement, ſeront d’excellens ſignaux, vus de très-loin, & dont le langage conventionnel ne pourra être entendu des ennemis. Si on veut ſimplifier ce moyen, on pourra ſe contenter d’ajouter à l’aéroſtat des tranſparens, dont les couleurs différemment combinées ſeront autant de ſignaux. Ces moyens propoſés ne ſont point de ceux qui ne peuvent être réaliſés ; car ils ont déjà été employées dans d’autres vues, comme dans une fête qu’on donna à Lyon au prince Potoki, & dans laquelle M. J. Mongolfier les imagina ; nous en parlerons bientôt.

On a propoſé de ſe ſervir des aéroſtats, lorſqu’on auroit à traverſer des déſerts arides où l’on manqueroit d’eau & des autres choſes néceſſaires, où l’on craindroit d’être enſeveli ſous des monceaux de ſable que le vent tranſporteroit, ou lorſqu’on redouteroit de paſſer par des pays où la peſte feroit de grands ravages, &c.

Quelqu’un a imaginé, ſi on vouloit donner un avis par la voie de mer, le plus promptement poſſible, & qu’on dépéchât à cet effet un bâtiment très-lèger, de faire ſoutenir une partie conſidérable du poids de ce bâtiment par un aéroſtat ; alors le bâtiment tirant beaucoup moins d’eau, & éprouvant ainſi une bien moindre réſiſtance de la part de ce fluide, ſeroit ſuſceptible d’une vîteſſe beaucoup plus grande.

Mais revenons à la ſcience qui nous occupe principalement. La partie de la Phyſique qui traite du feu, retirera de grands avantages du globe aéroſtatique, de même que celles qui ont pour objet l’électricité & la lumière. On ſait que l’air eſt néceſſaire au feu, & que s’il eſt vicié par des exhalaiſons méphitiques, ou s’il eſt trop raréfié, le feu s’y éteint. En examinant la manière dont la flamme des bougies, & d’autres matières combuſtibles allumées, ſe comportent à différentes élévations, on en connoîtra mieux ce qui regarde le feu & l’influence de l’air ſur lui ; & quoique ſur cet objet il y ait beaucoup de choſes connues, il y en a encore plus à découvrir.

En comparant l’éclat des lumières, l’activité du feu & ſa durée dans les hautes régions, avec ces mêmes effets près de la ſurface de la terre, en portant du pyrophore, du phoſphore, de la poudre à canon, de la poudre fulminante, en produiſant différentes détonnations, pluſieurs eſpèces d’efferveſcences & même de fermentations, en opérant des mélanges divers, des combinaiſons de tous les genres avec divers acides & alkalis, en répétant dans le vaſte laboratoire des airs la plupart des opérations de Pyrotechnie & de Chimie, on obtiendra de nouvelles connoiſſances & une Chimie nouvelle, à laquelle on pourroit donner le nom de Chimie aéroſtatique. Il me ſuffit d’indiquer ici cette route nouvelle, à laquelle on ne paroît pas avoir encore penſé, & de dire qu’il n’eſt aucune opération de Pyrotechnie, de Chimie, & des Sciences analogues, qu’on ne puiſſe répéter dans les plaines de l’air, ſoit qu’on emploie certains moyens faciles, quoique peu uſités, ſoit qu’on les exécute en petit. Je ne propoſe point de porter le fourneau de Macquer dans un globe, mais d’avoir des chalumeaux, & le petit appareil qu’on nomme le laboratoire de campagne, qu’on peut mettre facilement dans une poche, dont Bergman, les ſuédois & les allemands, nos maîtres dans l’art des mines, ſe ſont ſervis avantageuſement, & avec lequel on fond, en moins d’une minute, les minéraux les plus rebelles.

La Mécanique, cette partie de la Phyſique ſi utile aux arts & à la ſociété, trouvera certainement de nouveaux ſecours dans la machine aéroſtatique. Quel appareil de leviers, de poulies, de treuils, de roues, de grues, de chèvres n’a-t-il pas fallu employer pour élever ces obéliſques fameux qui embelliſſent la capitale du monde chrétien. À combien de procédés nouveaux n’a-t-on pas dû avoir recours, lorſqu’en dernier lieu on a voulu tranſporter d’un endroit du capitole à l’autre un piédeſtal énorme ? Un grand ballon aéroſtatique conſtruit d’après les lumières que donne le calcul, auroit ſuffi à la place de tout cet appareil diſpendieux dont on s’eſt ſervi. C’eſt donc avec raiſon qu’on a dit que par le moyen des globes aéroſtatiques, on pourroit tranſporter & conduire des fardeaux énormes. Par le globe on peut les élever en cherchant, le poids étant donné, quelle eſt la différence ſpécifique de la peſanteur de l’air déplacé, & du fluide renfermé dans la même capacité, qui ſeroit ſuffisante pour produire cet effet ? Tout le monde en convient, & les expériences faites juſqu’à ce jour ne permettent pas d’en douter. Or, pour tranſporter des fardeaux, quels qu’ils ſoient, il faut une moindre force que pour les faire monter à une hauteur déterminée, & avec une certaine vîteſſe ; il eſt donc plus facile de tranſporter des maſſes quelconques avec le globe aéroſtatique, que de les élever comme on l’a fait. Voici le principe ſur lequel est fondé cette vérité.

Pour élever un corps par le moyen du globe aéroſtatique, il faut qu’il y ait, entre le poids de l’air déplacé, & celui du fluide renfermé, une différence proportionnelle à la maſſe de ce corps ; mais lorſqu’il eſt ſoutenu en équilibre, il ne faut, toutes choſes égales, qu’une petite force pour le faire mouvoir. Un exemple facile éclaircira ce que nous diſons. Suppoſons qu’un corps plus peſant ſoit au fond d’un fleuve, pour l’élever, il faut ajouter à ſa maſſe un corps qui, par ſon union avec lui, le rende plus léger reſpectivement qu’un vo-