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ſeroit pas poſſible de tirer parti de la découverte des aéroſtats pour les épuiſemens.

On reconnoîtra d’abord qu’on ne peut loger ces ballons dans l’intérieur des puits ; l’air plus peſant des ſouterrains ſeroit ſans doute un avantage, mais le diamètre qu’ils exigent, ne permet pas cette ſpéculation. Il ne faut pas non plus ſonger à les placer immédiatement au-deſſus, parce qu’ils n’agiroient dans cette ſituation que pour élever, & on a bien plus beſoin de force deſcendante, puiſqu’il n’y a que les pompes foulantes qui puiſſent ſervir à l’épuiſement des eaux, au-deſſus de trente-deux pieds ; & parce que cette diſpoſition ſeroit très-dangereuſe pour ceux qui ſe trouveroient dans les ſouterrains, ſi le globe venoit à s’enflammer ; c’eſt pourquoi il faut le placer à quelque diſtance.

Suppoſons un globe A A, figure 164, de 60 pieds de diamètre, d’environ 11 310 pieds de ſurface, que l’on peut conſtruire aſſez ſolidement en groſſe toile, avec papier collé en dedans & en dehors, & celui du dehors verni, ſans qu’il pèſe plus de 14 à 1 500 livres, compris la carcaſſe intérieure. Un pareil globe déplaçant 108 000 pieds cubes d’air, lorſqu’il ſera rempli d’air dilaté par la chaleur, & moitié moins peſant que l’air commun, il jouira dans ce fluide d’une légèreté respective ou force d’aſcenſion égale à 3 710 livres.

M. de Morveau applique cette force à la baſcule B C, à laquelle le globe tendant à s’élever, la communique par la poulie de renvoi D. Mais le levier C de cette baſcule étant double du levier B, il eſt évident que ce dernier peut être chargé d’un poids double, c’eſt-à-dire, 7 420. Cette ſomme peut être réduite à 6 000 à cause des frottemens ; enſuite on placera un corps de cette peſanteur E ſur le piſton d’une pompe foulante F, placée au fond du puits G : de manière que ce corps peſant ne puiſſe ſe déranger de la ligne perpendiculaire, & qu’il faſſe gliſſer la tige du piſton dans les collets qui l’assujetiſſent, dès que la chaîne de ſuſpenſion ſe détend par le retour du bras B de la baſcule.

Il eſt évident qu’en jetant dans le réchaud H de la paille, des feuilles ſèches, des copeaux de bois, des mottes de tanneurs, ou autres matières capables de donner une flamme vive & prompte, mais qui ait peu de conſiſtance, cette flamme s’élevera bientôt dans le globe au-deſſous duquel le réchaud eſt ſuſpendu ; il ſe remplira donc de cet air chaud, dilaté, qui, gagnant le deſſus, preſſera par ſon reſſort l’air plus condenſé, & le forcera à deſcendre & à ſortir par le col du ballon K. Alors le globe ſe trouvant une fois plus léger que l’air dans lequel il eſt plongé, fera baiſſer le levier C, juſqu’à ce qu’il repoſe ſur le madrier L ; de ſorte que le poids de 6 000, E, ainſi que le manche du piſton auquel il eſt attaché, monteront de M en N, & forceront ainſi l’eau à entrer dans le corps de pompe par le clapet inférieur. Mais ſi on ceſſe d’entretenir la flamme du réchaud, l’air du ballon ſe condenſe ; il ne peut plus faire équilibre au poids E, qui reprend toute ſon énergie, & l’eau foulée par une force de 6 000 livres, ouvre le clapet latéral, & monte ſucceſſivement dans le tuyau de pompe O, juſqu’à ce qu’elle ſorte enfin en P. Cette force de ſix milliers pourroit ſuffire au jeu d’une pompe, dont les tuyaux auroient huit pouces de diamètre, & 140 pieds & plus de hauteur, puiſqu’une pareille colonne ne peſeroit pas tout à fait quatre-vingt-quatre pieds cubes d’eau, ou 5 880 livres.

Si on déſiroit de rendre l’alternative de condenſation plus rapide, comme on le fait par l’injection dans la pompe à feu, on en viendroit à bout avec un fort ſoufflet, qui pouſſeroit de l’air frais dans l’intérieur, ou encore mieux une large ſoupape en Q, qui s’ouvrira d’elle-même au point donné par la tenſion du cordon R. On pourroit encore, au lieu d’un cordon, mettre une chaînette dans la partie qui avoiſine le feu ; & dans ce cas, il ſeroit plus avantageux de la faire tirer horiſontalement, ſans poulie de renvoi.

Cette machine coûteroit moins que la plupart de celles qui ſont en uſage pour le même objet ; & ſa dépenſe journalière ſeroit ſur-tout fort au-deſſous de celle des pompes à feu que l’on regarde comme les plus avantageuſes ; de plus, on pourroit facilement mettre l’aéroſtat à l’abri des vents.

Dans cette figure, on n’a repréſenté qu’une portion du contour inférieur A, H, A du ballon ; on peut le continuer par la penſée, & ſuppoſer la ſoupape Q au ſommet de l’aéroſtat, en prolongeant également le cordon R Q.

Après avoir parlé des avantages principaux que les aéroſtats fourniſſent à la Phyſique, on nous pardonnera peut-être de dire ici deux mots ſur une application qu’on en a faite dans d’autres circonſtances. À l’occaſion de la naiſſance des deux infants d’Eſpagne, le duc de Crillon donna, le 1er octobre 1783, une brillante fête dans le bois de Boulogne, où ſe rendirent les ambaſſadeurs & miniſtres, les princes étrangers, &c. On éleva ſur la grande eſplanade, en face du renelag, un globe aéroſtatique à gaz inflammable, de ſix pieds quatre pouces de diamètre, au bas duquel pendoit un tranſparent à double face, où on liſoit diſtinctement des vers analogues au ſujet de la fête. Ce globe fut retenu à la volonté de l’ingénieur, à la hauteur de deux ou trois toiſes pendant pluſieurs minutes, & pour procurer une facile lecture des vers du tranſparent, on le faiſoit tourner, monter & deſcendre au gré des ſpectateurs. Lorſqu’on lui eut donné la liberté, il s’éleva majeſtueuſement