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roman de la roſe, que nos pilotes françois faiſoient uſage d’une aiguille aimantée ou frottée à une pierre d’aimant, qu’ils nommoient la Marinette, & qui régloit les mariniers dans les temps nébuleux.


Icelle étoile ne ſe muet,
Un art font qui mentir ne puer,
Par vertu de la Marinette,
Une pierre laide, hoirette,
Où li ſer volontiers ſe joint, &c.

Bientôt après, au lieu d’étendre les aiguilles, comme on faiſoit, ſur de la paille ou ſur du liége, à la ſurface de l’eau (fig. 414), que le mouvement du vaiſſeau tourmentoit trop, un ouvrier intelligent s’aviſa de ſuſpendre, sur un pivot ou ſur une pointe immobile, le milieu d’une aiguille aimantée, le tout placé dans une boîte, (fig. 425), afin que, ſe balançant en liberté, elle ſuivît la tendance qui la ramène vers le pole. Un autre enfin, dans le quatorzième ſiècle, conçut le deſſein de charger cette aiguille d’un petit cercle de carton fort léger, où il avoit tracé les quatre points cardinaux, accompagnés des traits des principaux vents ; le tout diviſé par les 360 degrés de l’horiſon. Cette petite machine légèrement ſuſpendue dans une boîte, qui étoit ſuſpendue elle-même, à-peu-près comme la lampe des mariniers, répondit parfaitement aux eſpérances de l’inventeur.

La bouſſole eſt compoſée d’une aiguille ou loſange (fig. 395), ordinairement faite avec une lame d’acier trempée & aimantée ſur l’aimant le plus vigoureux ; cette aiguille eſt fixée à une roſe de carton ou de talc, ſur laquelle on a tracé un cercle diviſé en trente-deux parties égales ; ſavoir, d’abord en quatre par deux diamètres, qui ſe coupent à angles droits, & qui marquent les quatre points cardinaux de l’horiſon, le nord, le ſud, l’eſt, & l’oueſt ; chacun de ces quarts de cercle eſt diviſé en deux, ce qui conſtitue, avec les précédens, les huit rumbs de vent de la bouſſole : chaque partie eſt encore diviſée & ſubdiviſée en deux pour avoir les huit demi rumbs & les ſeize quarts.

On déſigne ordinairement le rumb du nord par une fleur-de-lys, & quelquefois celui de l’eſt par une croix ; les autres par les premières lettres de leurs noms : chacun de ces airs de vent ou rumbs, eſt indiqué par une des pointes de l’étoile, tracée au centre de la roſe. (Voyez les fig. 29 & 172).

Il y a un autre cercle concentrique à celui de la roſe, & qui eſt fixé à la boîte : il eſt diviſé en 360 degrés, & ſert à meſurer les angles & les écarts de la bouſſole : le centre de la roſe, qui eſt évidé, eſt recouvert d’un petit cône creux, de cuivre, ou de quelqu’autre matière dure, qui ſert de chape, au moyen de laquelle l’aiguille peut être poſée ſur un pivot bien pointu & bien poli, & s’y mouvoir avec liberté. On ſuſpend le tout à la manière de la lampe de Cardan, par le moyen de deux anneaux ou cercles concentriques, chacun mobiles, ſur deux pivots, aux extrémités des deux diamètres, dont les directions ſe coupent à angles droits, afin que la bouſſole puiſſe toujours conſerver la ſituation horiſontale, malgré les roulis du vaiſſeau. Enfin on l’enferme dans une boîte quarrée, couverte d’une glace, & on la place près du gouvernail dans une plus grande boîte ou armoire quarrée, ſans fer, que les marins nomment habitacle, laquelle eſt placée à l’arrière du vaiſſeau, ſur le pont, & éclairée pendant la nuit d’une lampe, afin que le timonier, c’eſt-à-dire, un matelot intelligent qui tient le gouvernail, & qui, dans les vaiſſeaux de roi, eſt relevé de deux heures en deux heures, puiſſe avoir toujours la bouſſole ſous les yeux & diriger la route du vaiſſeau ſuivant le rumb qui lui eſt preſcrit par le pilote.

Comme la roſe de la bouſſole eſt mobile ſur ſa chape, le timonier a ſoin de gouverner en ſorte que la pointe de la roſe qui indique le rumb ou air du vent de la route actuelle du vaiſſeau, ſoit dirigée parallèlement à la quille ; ce que la poſition de la boîte de la bouſſole, parallèlement au parois de l’habitacle, indique ſuffiſamment. Enfin, pour ne laiſſer aucune équivoque, on a coutume de marquer d’une croix l’endroit de la boîte qui regarde la proue.

Les capitaines de vaiſſeau, les officiers & les pilotes attentifs, ont ordinairement une bouſſole, un peu différemment conſtruite, ſuſpendue au plancher de leur chambre, afin de pouvoir, lors même qu’ils ne sont pas ſur le pont, ſavoir à toute heure où le navire a le cap, c’eſt-à-dire, qu’elle route il fait actuellement (déduction faite de la dérive) : cette ſuſpenſion exige moins de précaution que la précédente : mais en ce cas, il faut obſerver que l’eſt ſoit à la gauche du nord, & l’oueſt à ſa droite ; en un mot, que tous les points ſoient dans une ſituation inverſe à l’égard de la bouſſole renverſée, quoique toujours dans la même poſition à l’égard du ſpectateur ou à l’égard du vaiſſeau.

Pour prévenir les accidens que les frottemens ou quelqu’irrégularité phyſique pourroient cauſer à une bouſſole, ſi elle étoit ſoule, il y en a toujours deux dans l’habitacle, & elles ſont ſéparées par une cloiſon. Toutes deux ſont expoſées à la vue du timonier.

Maintenant voici la manière de ſe ſervir de cet inſtrument pour diriger la route du navire. On reconnoît ſur une carte marine réduite, par quel rumb le vaiſſeau doit tenir ſa route pour aller au lieu propoſé, & on tourne le gouvernail juſqu’à