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AIM
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l’aimant & la limaille de fer, ne détournent point la vertu magnétique. Mais ſi la plaque eſt de fer, on ne remarque rien de ſemblable ; en vain on fait tourner l’aimant, la limaille reſte immobile.

Si, au lieu d’une ſimple plaque, on répète les expériences précédentes avec des maſſes plus conſidérables interpoſées, la vertu magnétique aura toujours lieu. Muſſchenbroeck a obſervé qu’un bloc de plomb d’un pied d’épaiſſeur, interpoſé entre l’aimant & le fer, n’en diminue pas la force attractive.

Il faut cependant obſerver que quoique les corps interpoſés ne diminuent pas l’étendue de la ſphère d’activité de l’aimant, ils ne laiſſent pas de diminuer beaucoup l’intenſité de la force attractive, lorſqu’ils empêchent leur contact. Si l’on interpoſe entre le fer & l’aimant une ſimple feuille de papier, par exemple, l’aimant ne pourra ſoutenir qu’une très-petite maſſe de fer, en comparaiſon de celle qu’il auroit ſoutenue, ſi le fer lui avoit été immédiatement appliqué, parce que la force magnétique eſt beaucoup plus grande, ſans comparaiſon, au point de contact, qu’au de-là du point de contact.

Troiſième propriété. Direction. De tous les phénomènes que l’aimant préſente aux yeux d’un obſervateur, il n’en eſt aucun qui ſoit auſſi utile que celui de ſe diriger conſtamment vers le nord, puiſque, ainſi que nous le prouverons, la navigation, le commerce, les ſciences & les arts en ont retiré de grands avantages. L’aimant, ſoit naturel, ſoit artificiel, lorſqu’il eſt ſuſpendu librement, tourne toujours un de ſes pôles vers le ſeptentrion, & l’autre vers le midi ; cette propriété qui le fait ainſi diriger vers les pôles du monde, eſt nommée la direction de l’aimant.

Première expérience. Placez une ſimple aiguille à coudre, bien aimantée, ſur l’eau, vous la verrez bientôt diriger ſes extrémités vers les pôles de la terre, l’un A, ſera tourné vers le midi, & l’autre B, vers le nord. (Fig. 342).

Seconde expérience. Mettez un aimant naturel flotter ſur l’eau dans une gondole de cuivre, il tournera auſſitôt ſes pôles vers ceux du monde ; & ſi on le dérange de cette direction, il la reprendra à l’inſtant.

Troiſième expérience. Suſpendez une aiguille aimantée ſur ſon pivot, comme on le voit dans les figures 337 & 339, leurs extrémités ſe dirigeront du côté des pôles du monde. Cette aiguille prendra la même direction, ſi elle eſt ſuſpendue par des fils de ſoie, collés parallèlement entr’eux ; & de quelque manière qu’elle ſoit miſe en équilibre, elle ſe dirigera toujours par un de ſes pôles vers le nord, & par l’autre vers le midi. Si on dérange l’aiguille, ſi même on la fait pirouetter pluſieurs fois de ſuite, on la verra toujours reprendre ſa première direction.

On s’aſſure de cette direction, en la comparant avec une méridienne qu’on aura tracée proche de l’endroit où l’aiguille aura été placée ; ou bien en examinant le ſoleil ou les étoiles ſeptentrionales, ſur-tout l’étoile polaire.

La direction de l’aimant étant connue, on en fit bientôt des bouſſoles, & on tacha enſuite de perfectionner la conſtruction des aiguilles aimantées. Voyez Aiguille de déclinaiſon, Boussole.

Les uſages auxquels peut ſervir la direction de l’aimant, ſont auſſi nombreux qu’importans. On peut, par le moyen d’une bouſſole, munie d’une aiguille bien aimantée, meſurer ſur la terre des angles quelconques, lever des plans avec facilité, ſur-tout celui des rivières dont les ſinuoſités ſont très-multipliées. La méthode & les conditions pour éviter les erreurs, ſont expoſées dans pluſieurs livres de mathématique. C’eſt par cette propriété que les mineurs ſe dirigent dans leurs opérations ſouterraines. Les moyens qu’on employe pour cet effet, ſont clairement expliqués dans pluſieurs ouvrages, & entr’autres, dans la géométrie ſouterraine de M. de Genſane, que nous citons comme plus à la portée du grand nombre des lecteurs. On a appliqué l’aiguille aimantée à des cadrans portatifs, pour connoître l’heure en tout temps & en tous lieux, en les expoſant au ſoleil ; mais la plupart de ces inſtrumens ſont défectueux ; le ſeul qu’un phyſicien puiſſe admettre, eſt le cadran équinoxial portatif & univerſel, repréſenté dans la figure 52, & dont nous avons donné la deſcription au mot Boussole à cadran. Par le ſecours d’une bouſſole, c’eſt-à-dire, de la direction de l’aimant, on peut ſe conduire ſur terre, pour aller d’un lieu à un autre, quelque éloigné qu’il ſoit, & même lorſqu’on ne peut s’orienter dans un temps obſcur par le défaut d’apparition du ſoleil ou des étoiles ; car alors la direction de l’aiguille aimantée fera connoître la route qu’on doit tenir.

Si on veut donc voyager par terre dans des pays inconnus, ſans autre guide qu’une aiguille aimantée, placée dans une bouſſole, on ſe ſervira de la méthode ſuivante : 1o. on aura une carte géographique du pays, avec une bouſſole munie d’un cercle diviſé en degrés ; 2o. on orientera la carte avec la bouſſole, c’eſt-à-dire, on tournera la carte vers les quatre points cardinaux du monde, & on tirera enſuite une ligne méridienne qui paſſe par le lieu de départ, & du haut de la carte en bas ; 3o. tirez enſuite ſur la carte, la ligne de route, du lieu du départ au lieu d’arrivée ; 4o. placez le centre de la bouſſole orientée ſur le lieu du départ, c’eſt-à-dire, que le midi de la bouſſole ſoit ſur la ligne méridienne qui eſt tracée ſur Paris, par exemple ; & alors regardez de combien de degrés la ligne de route eſt éloignée de la méridienne. (De Paris à Rome, par exemple, la ligne eſt éloignée de cinquante-quatre degrés environ