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MABSEILLE. MARSEILLE. (312 )) L'intendance sanitaire est située à la limite N. du port, et presque en face de l'entrée vis-à-vis est le bassin du caré- nage autour s'élèvent la Douane, la Bourse et l'enceinte des chantiers. Au midi, et dans le fond mêmedu port, est un canal intérieur, garni de ponts-levis qu'entourent dans tous les sens les magasins de la douane. La police du port et celle de la rade se font au moyen de pataches de la douane, armées de caronades. Il n'est pas au monde de havre plus sûr et plus calme. Quand on entre dans le port, il ne faut pas ran- ger de trop près la pointe du canal à cause de quelques ro- ches cachées sous l'eau et que l'on nomme mangevin on gouverne un peu à droite du milieu de l'entrée, en contour- nant le fanal, on passe entre le premier pilier et la tour car- rée de Saint-Jean, rangeant la tour un peu plus que le pi- lier à cause des roches perdues qui en assurent la base. Il n'y a guère qu'un peu plus de 5 mètres d'eau à l'entrée; mais en dedans du port on en trouve plus de6et 6à 8en dehors. Quand le vent ne permet pas d'entrer, on s'amarre par 12 ou 15 brasses sur des bouées et corps morts placés à quelques encablures du fort Saint-Jean ce dernier fort porte un phare qui garde les navires pendant la nuit. Outre le port qui tient au continent, Marseille a d'autres ports sur un groupe d'iles situé à une demi-lieue de ses côtes ce sont les ports ou ca- larques du Frioul, de Pomègue et de Ratonneau. Ce dernier construit à bras d'hommes, à l'aide d'une immense digue qui a réuni deux'tes, Ratonneau et Pomègue, est un des chefs- d'œuvre de notre siècle; il sert de quarantaine aux navires, et les vaisseaux de ligne peuvent y mouiller. Unpeu plus en avant et presque en tète de la rade est située l'île d'If, rocher hé- rissé de batteries, avec des tours et des constructions qui ont longtemps servi de prison d'Etat. Ratonneau et Pomègue ont des hôpitaux pour les maladies suspectes et présentant quel- que caractère contagieux. Les navires construits à Marseille se font remarquer par la beauté de leurs formes, par la fi- nesse de leur marche et par la perfection de leurs aménage- ments mais la main-d'ceuvre y est d'un prix très élevé. C'est des chantiers de Marseille que sont sortis les plus belles fréga- tes et les plus beaux avisos de la marine du pacha d'Egypte. Marseille était très commerçante dans l'antiquité son indus- trie surpassa bientôt celle de toutes les autres cités; on y fa- briquait du temps de Strabon et de Pline des bijoux, des or- nements en corail, des cuirs et du savon; elle introduisit dans les Gaules l'usage des bracelets et des colliers en or; on en voit encore à Arles qui sont fabriqués sur ces gracieux modèles.La vigne et l'olivier constituaieutses richesses agrico- les son beau mouvement de navigation était, le principe de sa gloire et la source de ses trésors. Elle était comme aujour- d'hui favorisée par sa position et avait devant elle la Numidie, 1 à droite l'ibérie, à gauche l'Italie, et derrière les Gaules, pays riches, territoires féconds, états puissants. Aussi le commerce d'échange y fut-il considérable. Les Phocéens, pères de la colonie grecque de Marseille, y avaient naturalisé leur habi- leté dans la navigation et leurs galères de cinquante rames allongées et rapides. Marseille vainquit les Barbares sur la mer, et fournit au monde maritime Pythéas et Eutymènes astronomes célèbres. Elle s'ouvrit à l'intérieur et par le Rhône des voies navigables qui lui donnaient accès sur les princi- paux marchés des Gaules. Protectrice des villes centrales comme Cabellio (Cavaillon), et Avenio (Avignon), elle éche- lonnait en même temps des colonies sur tout le littoral de la Méditerranée, Tauraentum, Antibes, Nice, Monaco, Agde et Ampurias. Cette puissance de période s'arrêta au temps où Alarseille osa prendre les armes contre César. Vaincue et réu- nie à l'empire romain, elle chercha à regagnerdès lors comme ville commerciale l'importance qu'elle venait de perdre comme cité maritime; ses vaisseaux, protégés par les flottes romaines, parcouraientl'univers alors connu, ils portaient au N. les produits du Midi, à l'Occident ceux de l'Orient; ils sil- lonnaient toutes les mers, chargés des parfums et des pelle- teries de la Syrie, de l'Asie mineure, des tissus de l'Inde, des soies de Tripoli, du papier d'Egypte, des blés de l'Afrique, des chevaux de l'ibérie et des riches étoffes de la Perse, de Constantin à Charlemagne. Son commerce languit, et il ne se réveille sous ce grand empereur que pour tomber de nou- veau après sa mort et jusqu'à l'époque des croisades. Il est à remarquer, du reste, que dans ces temps de misères féodales, Marseille demeure ce qu'elle avait été jusqu'alors, une ville gouvernée par ses propres institutions. Sa législation com- merciale faisait l'admiration des anciens; et l'on croit que le Code célèbre connu sous le nom de Consulat de la mer, code que tous les peuples se disputent, fut l'ouvrage des Marseil- lais. Dans les statuts municipaux du port, on remarque une foule de dispositions qui feraient aujourd'hui encore honneur aux nations les plus civilisées. Tels sont entre autres le res- pect des propriétés particulières dans les guerres entre les puissances, et l'abolition du droit d'épaves, qui est la confis- cation des débris que la tempête jette sur les plages. A l'épo- que des croisades, Marseille sembla renaitre, et elle s'enrichit d'une branche importante de ses échanges, qui s'est conti- nuée jusqu'à nous, sous le nom de commerce du Levant. Des consuls nommés par Marseille, et distribués sur toutes les échelles du Levant, devinrent des arbitres entre les nationaux et des protecteurs vis-a -vis des puissances dominantes. Les droits et les devoirs de ces autorités étaient sagement réglés, nettement définis. Grâce à cette organisation féconde, les relations avec le Levant prirent bientôt une extension prodi- gieuse. Marseille, demeurée république de i214 à 1257, tomba au pouvoir des c<mies de Provence et supporta les tristes conséquences de l'esprit belliqueux de ses nouveaux maitres. En peu d'années, sa décadence fut complète prise d'assaut et pillée pendant 15 jours par les troupes aragonaises, elle s'af- faissa sous ce désastre, et le sceptre du commerce du Levant, péniblement conquis, passa entre les mains des républiques italiennes. René chercha à ranimer cette puissance éteinte; mais ses efforts n'aboutirent qu'à des demi-résultats. En 1282, le trésorier de la ville de Marseille ayant rendu ses comptes la recette ne monta qu'à 5,651 florins d'or, ce qui fait 59.430 francs environ; et c'étaitprobablementlàtout le revenu de la ville. Quand la Provence fut réunie au royaume Marseille se trouvait dans une de ses phases de langueur et d'inertie; une nouvelle renaissance, lente et graduelle date pour elle de ce temps. Déjà sous Louis XII elle était assez puissante pour armer contre Venise et porter un dommage notable au com- merce de sa rivale elle établissait des communications di- rectes avec les ports de l'Océan, et y expédiait quatre galères. Sous François Ier, on voit mentionner, pour la première fois en Provence, des distilleries, des fabriques de pâtes, de tapis, de tissus de coton et de chapeaux; des ateliers d'orfè- vrerie et d'ébénisterie. Sous Charles IX, ces industries s'aug- mentent encore de la fabrication de la soie; on confectionne du velours à Marseille, mais on est obligé d'aller le faire mar- quer à Lyon. Ces progrès furent interrompus par les guerres religieuses et par l'invasion d'une horrible peste, et recom- mencèrentsous l'administration de Sully; ils s'arrêtèrent du- rant le règne de Louis Xlll. A cette époque, les exportations s'élevaient à plus de 12,000,000; les importations, à plus de 15,000,000: 200 navires suffisaient à ces échanges. Enfin, Colbert arriva; avant lui, 200 navires desservaient le mouve- ment du port; il en fallut 1,500, peu d'années après son en- trée au ministère. En 1669, la franchise du port est consa- crée par un édit spécial, et cette mesure, alors utile, au mi- lieu de mille entraves qui régnaient dans l'intérieur, donna un élan imprévu aux transactions lointaines. Après Colbert, le mouvement s'arrête jusqu'en 1780 à celte époque, Mar- seille éprouva de nouveau une impulsion des plus vives et des plus fécondes. De 1783 à 1792, la valeur moyenne des exportations fut de 60,080,000 livres. Sa population, s'il faut en croire M.le comte de Girard, était de 140,000 âmes; et la masse totale de ses opérations, y compris les produits des fa- briques, s'élevait à 300,000,000 de francs. On faisait annuel- lement sur place pour 150,000,000 d'assurances. Marseille comptait alors 38 fabriques de savon, 40 fabriques de cha- peaux, 12 raffineries de sucre, 12 fabriques d'indiennes pein- tes, 20 fabriques de bas de soie, 20 de liqueurs, 10 tanne- ries, 10 amidonneries, 8 verreries, etc. La révolution elle- même n'arrêta ce mouvement que lorsque la guerre maritime eut éclaté entre la France et l'Angleterre. En 1792, le mou- vement du port de Marseille comprenait 2,440 navires jau- geant ensemble 361,780 tonneaux. La guerre détruisit cette prospérité. Ce qui nous restait d'influence commerciale dans le Levant ne put survivre à Aboukir. La politique de Napo- léon, son système de licences mal dirigé des tarifs et des droits de douane exagérés, tout contribua à faire déchoir Marseille et à la livrer à la misère. Tout commerce d'échange avait cessé; on s'adonna à la fabrication des produits chimi- ques et à l'industrie locale. Au retour de la paix, Marseille vit renaitre ses chances de richesse commerciale; elle courut vers quelques priviléges, et malgré les défauts de notre sys- tème commercial, elle a atteint des jours de prospérité qu'elle n'avait jamais connus jusque-là à aucune époque. La con- quête d'Alger et nos possessions dans le nord de l'Afrique contribueront beaucoup à agrandir son commerce. Si l'on