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qu’on le voit à la figure E. Ces préparations données, il faut mettre la plume sur le côté droit pour l’évider sur la gauche, en formant la carne du pouce au-dessus de la fente, en arrondissant & en se rapprochant de la même fente comme les lettres F. & G. le font voir pour les deux côtés. Quand la plume se trouve dans cette derniere position, on en met une autre en-dedans pour produire le bec. Ce bec se fait en commençant de diminuer un peu en-dessus du tuyau, & un peu aussi du côté du pouce, & en plaçant ensuite le canif sur le tranchant à l’endroit où l’on veut couper. Ce dernier coup que les maîtres de l’art appellent le tact, doit être fait subitement, en balançant la lame de droite à gauche, & en la renversant un peu sur le devant, ayant soin en même tems que le manche soit tiré du côté du coude plus ou moins, suivant l’oblique que l’on veut donner à la plume. La figure H. expose cette manœuvre, & la figure I. la représente dans sa taille finie. Regle générale en toute écriture, l’angle du pouce est un peu plus long & plus large que celui des doigts.

Sur les proportions d’une plume taillée.

Une plume pour être suivie strictement dans toutes ses coupes peut bien ne pas avoir ses justes proportions. La grande ouverture peut être trop grande ou trop petite, le bec trop long ou trop court, la fente trop petite ou trop longue. Pour obvier à ces inconvéniens, il faut considérer la plume dans la planche entre les quatre lignes horisontales A. B. partagée en trois parties égales. La premiere depuis l’extrémité 1 du bec de la plume jusqu’aux carnes 2; depuis les carnes jusqu’au milieu 3 de la grande ouverture; & depuis ce milieu jusqu’au 4 où commence cette grande ouverture. Ces regles donnent à n’en pas douter de la grace à la plume, mais pas toujours de la bonté. Si l’angle des doigts est plus long & plus large que celui du pouce, la plume jettera l’encre sur les revers; si les carnes sont trop courtes & trop fermées, l’encre coulera avec précipitation; si la fente est trop longue pour une main pesante, les caracteres seront écrasés; si la plume est trop dégarnie en-dessus avant le tact, elle ne pourra écrire longtems à cause de la foiblesse de son bec; si son tuyau est trop épais du côté de l’angle du pouce qui produit les liaisons, ces mêmes liaisons deviendront trop grosses; mais il est aisé de remédier à ces défauts, & l on sent assez ce qu’il faut faire. Il ne reste plus qu’un mot à dire sur la plume, dont les carnes doivent être plus cavées si l’on écrit la ronde, & son bec plus oblique; la batarde moins que la ronde & un bec moins oblique; la coulée autant que la batarde, mais une fente plus longue. On peut consulter au surplus les trois figures C. D. E. où l’on trouvera la définition des regles que je viens de prescrire. Si je n’ai rien dit de plus positif sur la fente qui doit être faite avec la plus grande netteté, c’est qu’elle dépend entiérement de la main. Une main légere a besoin d’une fente plus grande qu’une lourde. A l’égard de la plume, pour expédier je renvoie à l’explication de la douzieme planche.

Sur l’utilité de savoir tailler la plume.

On néglige trop en général la taille de la plume, que l’on regarde comme une chose peu essentielle, quoiqu’elle contribue beaucoup à la netteté & à la forme de l’écriture. Il est certain d’après l’expérience que j’en ai, qu’une personne qui taille sa plume pour elle-même, écrit mieux que si cette plume eût été taillée par une main étrangere. La raison c’est qu’elle la taille suivant sa main, dont elle connoît la position, & selon le dégré de grosseur qu’elle veut donner à son écriture, une autre plume souvent ne produit pas le même effet, parce qu’elle se trouve ou plus ou moins oblique ou plus ou moins grosse, ou enfin plus ou moins fendue, ce qu’il est facile de reconnoître aux caracteres qu’elle trace, pour peu qu’on veuille y faire attention. Je conclus d’après cela qu’il faut s’attacher à la taille de sa plume en observant que pour une main renversée en-dehors, elle doit être plus oblique; droite ou à peu de chose près, pour une autre qui n’incline d’aucun côté, & sur l’oblique des doigts pour une main renversée en-dedans.

Telles sont les regles sur la taille de la plume en général (il est des cas où il faut s’en écarter), mais toujours est-il qu’on tirera plus de service d’une plume fendue que d’une autre qui ne le seroit pas assez, excepté les mains foibles ou tremblantes, qui étant forcées d’y prendre un point d’appui, doivent nécessairement faire à leur plume une fente plus courte pour lui donner plus de consistance.
PLANCHE V.
Des situations de la plume.

La premiere connoissance à acquérir après la tenue de la plume, est celle de ses différentes situations pour toutes les écritures. Elle est d’autant plus nécessaire que sans elle il est impossible de former un caractere régulier & gracieux. Pour aller tout d’un coup à l’essentiel, je n’en démontrerai que trois qui suffisent à toutes les opérations que la plume produit. Vouloir en présenter davantage, ce seroit tomber dans une prolixité ennuyeuse & embrouillée, plutôt que d’éclaircir & de parvenir à l’exécution d’un art nécessaire à tous les hommes.

Premiere situation.

La premiere situation est celle que l’on appelle à face, c’est-à-dire la plume droite devant le corps, & dont les angles placés sur la ligne horisontale, ne sont pas plus élevés l’un que l’autre, tant au sommet qu’à la base d’un à plomb ou d’un jambage. Chaque extrémité de ce jambage, qui a toute la largeur du bec de la plume, présente deux angles. Celui qui est à droite s’appelle l’angle des doigts, parce qu’il est produit du coin de la plume qui est du côté des doigts; l’autre par la même raison se nomme l’angle du pouce, parce qu’il est aussi produit du coin de la plume qui est du côté du pouce. Il faut bien distinguer ces angles, car ce sont d’eux que dépendent toutes les situations de la plume, & c’est de ces situations bien entendues & bien rendues que provient la beauté de l’écriture. Que l’on jette un coup d’œil sur la premiere démonstration, on connoîtra premierement que les lignes horisontales A. B. passent au sommet & à la base de l’aplomb sans aucun excédent, ce qui n’arriveroit pas si les angles étoient inégaux. Secondement, on distinguera par les chiffres 1. & 2. les angles du pouce pour le haut & le bas; de même par le 3. & le 4. les angles des doigts au sommet & à la base.

Cette situation n’est affectée à aucune écriture. Elle ne sert uniquement que pour la terminaison de plusieurs lettres finales & autres effets de plume dont je parlerai dans la suite. Son principal mérite est de donner l’intelligence des angles, laquelle est indispensable pour exécuter tous les mouvemens employés dans l’art d’écrire.

Seconde situation.

La seconde situation est oblique. On entend par ce terme que la plume est placée de maniere que l’angle des doigts surmonte celui du pouce de la moitié de l’épaisseur de l’aplomb, au lieu qu’à la base, l’angle du pouce est plus bas que celui des doigts de la moitié de l’épaisseur du même aplomb, par la raison que ce qui est de moins sur le haut, doit se trouver de plus sur le bas. La seconde démonstration rend cette situation sensible; les lignes A B qui sont en obliquité parallele renferment l’aplomb dans le biais qu’il exige, & les lignes C D horisontales font voir au sommet l’angle des doigts 1. qui excede de la moitié, comme à la base l’angle du pouce 2. qui descend de même de la moitié.

Cette seconde situation est employée pour l’exécution de l’écriture ronde, qui étant droite, exige plus d’oblique. Elle est aussi destinée pour les écritures batarde & coulée; mais comme on est obligé de rapprocher un peu le bras du corps pour donner à ces deux dernieres écritures la pente qu’elles doivent avoir, il arrive que l’angle des doigts pour le haut, & l’angle du pouce pour le bas, sont moins sensibles. Par ce principe, il est aisé de concevoir que la situation oblique est généralement consacrée à toutes les écritures; la différence consiste dans le plus ou le moins, le plus pour la ronde & le moins pour la batarde & la coulée.