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Sur la premiere ronde.

Il convenoit de commencer par la grosse ronde, qui est celle que l’on donne aux jeunes gens après qu’ils ont été exercés sur les principes & les caracteres. Le point essentiel de ce degré d’écriture est de donner la facilité de la forme & plus d’action & de justesse aux doigts. La quitter trop promptement pour passer à des caracteres plus petits, ce seroit vouloir perdre le fruit de son travail. On doit savoir qu’elle est le fondement de toutes les autres, & que plus on la trace longtems, & plûtôt l’on parvient à la formation aisée & correcte de l’Ecriture. Cet avis pour l’exercice de la grosse ronde, qui regarde aussi les grosses des autres écritures, ne doit pas être négligé. Dans la pratique de cette écriture, & généralement de toutes les autres, on doit s’attacher à l’égalité, & à ne laisser en chaque mot que la distance de deux corps. Celle des lignes, tel qu’on le voit à la quatorzieme planche, est de quatre corps, chaque corps de quatre becs de plume. Cette distance adoptée par les grands maîtres, est la moins embarrassante; les têtes & queues des lettres pouvant se placer sans crainte que les unes passent par-dessus les autres.

Sur la deuxieme.

Cette ronde est celle que l’on appelle moyenne. Une main exercée longtems à la grosse, & qui la rend selon les regles, peut s’occuper à cette écriture. C’est elle ordinairement qui sert pour les sous-titres, en la traçant plus ou moins grosse, suivant la place & la nature des ouvrages. La distance des lignes se regle sur celle de la grosse, c’est-à-dire de quatre corps.

Sur la troisieme.

Cette ronde est la petite; elle s’écrit posément. On ne doit l’entreprendre que quand on est avancé dans la moyenne. Il faut y travailler beaucoup, parce que les effets de la plume y sont plus difficiles à soutenir que dans la grosse. La distance des lignes est de cinq corps, par la raison que plus l’écriture est petite, & plus cette distance doit être grande, à cause des majeures & têtes & queues des lettres mineures que l’on fait un peu vastes pour donner plus de relief à cette sorte d’écriture & faire voir en même tems la dextérité de la main.

Sur la quatrieme.

Dans la forme de la derniere ronde, il s’en fait une autre que l’on nomme financiere, & qui s’écrit plus vîte. Elle est semblable à l’écriture coulée qui en tire son origine; la seule différence qu’il y a entre les deux, c’est que l’une est droite & nourrie, & l’autre penchée & maigre. En faisant cette écriture plus grosse & plus lâche, on formera précisément la grosse de procureur, dont il est parlé au sixieme tome de ce Dictionnaire au mot Expédition. On tient pour la financiere la plume plus longue dans les doigts, & le bras moins appuyé sur la table. La plume doit être plus fendue que pour la petite ronde posée. Pour ce qui est de la distance des lignes, elle se regle sur cinq corps.

Sur la cinquieme.

Cette écriture est de la plus petite ronde, que l’on appelle minute lorsqu’elle est travaillée dans le goût de la financiere. Rien n’est si flatteur que cette petite écriture quand elle est posée, soutenue, & qu’elle expose aux yeux la régularité des principes, la délicatesse du toucher, & une certaine gaveté qui la rend pétillante. J’avouerai pourtant qu’elle est difficile, & qu’elle demande avec la main la plus juste, l’attention la plus réfléchie. Pour l’ordinaire dans cette petite écriture, les queues sont plus longues & plus frappées; celles qui vont en se courbant sur la gauche doivent être terminées par un bouton arrondi & sensible. Quoique la distance des lignes soit fixée à six corps, cette regle cependant peut varier; on en donne davantage lorsque l’on veut l’orner de passes & de majeures; on en donne moins, lorsque modérant la hauteur des têtes & la longueur des queues, on veut placer beaucoup d’écritures dans un petit espace. Quand elle se trouve dans ce dernier cas, elle devient une des cinq écritures expédiées dont il est parlé dans le tome sixieme du Dictionnaire, au mot Expédition.

Sur les moyens d’aller droit en écrivant.

On va de travers par différentes causes; lorsque la

tête n’est pas droite, lorsque le bras est trop près ou trop loin, lorsque le corps penche à droite ou à gauche. Expliquons mieux ces objets, qui sont intéressans au public.

On va de travers quand la tête incline sur les épaules; si c’est à droite, les lignes descendent; si c’est à gauche, les lignes montent. En mettant la tête dans la direction verticale, on remédiera à ces défauts.

On va de travers quand le bras droit n’est pas posé selon les regles. Lorsqu’il est trop éloigné du corps, il fait monter les lignes & former un caractere pointu; lorsqu’il en est trop près, il fait descendre les lignes & faire un caractere quarré. On évitera ces défauts en se réglant sur les explications de la seconde Planche.

On va de travers quand le corps est mal placé. S’il avance trop sur la droite, il gêne le bras & fait monter les lignes; & s’il penche sur la gauche, les lignes descendent. En se conformant aux regles de la position du corps, on ne tombera pas dans cette faute.

On va encore de travers en écrivant les écritures batardes & coulées, dont l’effet de la pente est d’entraîner naturellement les lignes en bas quand on n’a pas l’attention d’élever chaque lettre un peu plus que celle qui la précede, mais d’une maniere insensible, c’est-à-dire que s’il y a plusieurs jambages de suite, le second doit être imperceptiblement plus haut que le premier, en observant de le descendre imperceptiblement moins bas, & ainsi des autres. Cette regle est immanquable lorsqu’elle se pratique sans excès.

PLANCHE XV.
Des différentes écritures de batardes.

De même que l’écriture ronde, celle que l’on appelle italienne & plus ordinairement batarde, sera distribuée en cinq classes. Des pieces dans chaque genre plus longues auroient mieux convenu, mais cela ne pouvoit se faire dans cet ouvrage, où l’on étoit fixé à un certain nombre de planches. Quoi qu’il en soit, j’ai fait ensorte dans le peu que j’ai donné, de conserver l’esprit de chacune de ces écritures. Quant à la pratique, on suivra tout ce que j’ai dit aux explications de la planche précédente au sujet de la ronde. Je me restrains ici à ne parler seulement que sur ce qui concerne chaque écriture en particulier.

Sur la premiere.

Cette premiere est précisément ce qu’on nomme grosse batarde. C’est par cette écriture que l’on commence un jeune homme qui n’a pas besoin de la ronde. Quand ce caractere est d’une bonne grosseur, on l’appelle titulaire, étant toujours employé aux titres supérieurs des ouvrages. Comme le génie de cette écriture est la simplicité, surtout en grosse, c’est la raison pour laquelle les lignes n’ont de distance que trois corps. L’exercice de ce caractere est excellent pour former la main, en s’attachant à l’égalité des lettres, à la justesse de la pente & à la situation de la plume. Souvent, lorsque cette situation est négligée, il arrive que la plume se trouve sur l’oblique des doigts; ce qui est un grand défaut, & par conséquent le plus à éviter.

Sur la seconde.

Cette seconde, qui est de la moyenne, est le caractere qui suit la grosse. Il sert pour les sous-titres & pour perfectionner la main des éleves dans son soutien, ce qui n’est pas le plus aisé. La distance des lignes est de trois corps seulement, & celle entre chaque mot dans toutes les écritures est de deux corps. La distance réglée pour les lignes ne cause aucun embarras, parce que dans le travail de la batarde, on suit strictement les principes dans la hauteur des têtes & la longueur des queues, ce qui ne s’observe pas avec tant d’exactitude dans les autres écritures, où la main peut prendre plus d’essor.

Sur la troisieme.

C’est de la petite batarde posée & ordinaire. Comme elle est assez difficile, elle exige dans l’artiste une sureté de main inconcevable, ainsi que toutes les petites en général. Cette écriture n’est susceptible d’aucun ornement étranger; la simplicité en est la base, & sa beauté est le fruit du travail & de l’application.