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BLASON OU ART HÉRALDIQUE,
Contenant 29 Planches, dont 26 simples, et une triple.

L’origine des armoiries est très-ancienne. On s’étoit fait des armes offensives, & des armes défensives.

Les armes défensives étoient des boucliers qu’on opposoit du bras gauche pour parer les coups portés par l’ennemi; ces boucliers étoient d’un cuir bien apprêté, couverts de lames de fer ou d’airain, pour résister aux sabres, aux masses, & à d’autres instrumens de guerre.

L’usage de ces boucliers devint si fréquent par son utilité, qu’il n’y eut pas un homme qui fît profession des armes, qui n’eût son bouclier. Il vint un tems où, pour se faire distinguer dans la mêlée, on peignit sur son bouclier quelques figures de fantaisie, sans y rien déterminer pour les couleurs, sans conséquence pour la postérité, ni pour les successions dans les familles. Il fut libre à chacun de prendre telle figure qu’il vouloit, jusqu’au onzieme siecle, que l’empereur Fréderic Barberousse établit des regles, dont l’exécution fut confiée à des hérauts, juges en cette partie. Alors les figures peintes sur les boucliers, passerent à la postérité; mais ce qui acheva de donner au Blason la forme d’un art, ce fut le voyage que le roi de France Louis VII. dit le Jeune, fit en 1147, pour recouvrer les saints lieux.

Ce pieux roi se croisa avec plusieurs monarques chrétiens de différentes nations, qui prirent tous la croix de formes & de couleurs différentes. Il se sit de si belles actions dans cette guerre, que les descendans de ceux qui s’y signalerent, songerent à en perpétuer la mémoire; & ce fut ainsi que s’introduisit la succession des armoiries dans les familles.

C’est à l’empereur Fréderic Barberousse qu’on doit les regles de l’Art héraldique, ou de la science du Blason; elles naquirent au milieu des tournois qu’il inventa en 1150 & 60, pour exercer la noblesse en tems de paix, afin de la tenir toujours prête à combattre, lorsqu’il en seroit besoin.

On n’admit à ces jeux militaires & publics, que des personnes d’une qualité remarquable, & l’on régla les pieces qu’elles devoient porter sur leurs boucliers, afin que l’on reconnût plus facilement leur noblesse. Une cérémonie suivoit l’admission au tournoi; on étoit conduit au son des fanfares & des trompettes, en un lieu destiné pour poser & attacher le bouclier: ce lieu étoit ordinairement le château d’un grand seigneur, ou le cloître de quelque célebre abbaye.

On appelloit cette exposition faire fenêtre; & les boucliers ou écussons de tous les chevaliers reçus pour le tournoi, tant en assaillant qu’en défendant, étoient exposés, afin qu’il fût permis à chacun de les aller reconnoître, & de faire des plaintes contre ceux à qui ils appartenoient, s’il y en avoit à faire. Si la plainte étoit grave, il falloit y satisfaire ou être exclus du tournoi.

Ces fanfares & ces sons de trompettes, qui déclaroient la noblesse du gentilhomme, donnerent en même tems à l’Art héraldique le nom de Blason.

Un gentilhomme qui s’étoit trouvé plusieurs fois à des tournois, pouvoit l’indiquer par deux ou plusieurs cornets qu’il mettoit en cimier sur son héaume; & lorsqu’il se présentoit à un autre tournoi, il ne lui falloit pas d’autres preuves de noblesse pour y être reçu; l’usage en subsiste encore dans les maisons de Baviere, d’Erpach, & quantité d’autres familles Allemandes.

Blasen signifie en allemand sonner ou publier, d’où l’on a fait le mot Blason.

Celui d’armoiries vient des boucliers qui, portés par les gens de guerre, leur servoient d’armes défensives.

Et l’on a dit l’Art héraldique, parce que cet art étoit l’étude des hérauts qui anciennement se trouvoient à l’entrée de la barriere du tournoi, & y tenoient registre des noms & des armes des chevaliers qui se présentoient pour entrer dans la lice. Ce sont eux aussi qui au commencement de l’établissement des armoiries, en nommerent, composerent & réglerent les pieces; & dans la suite, lorsque les souverains récompenserent du titre de noble les belles actions de quelques-uns de leurs sujets, ils laisserent à ces hérauts le soin d’ordonner les pieces des écussons des nouveaux ennoblis.

De la différence des armoiries. Il y en a de six sortes.

Premiere. Armes de domaines.

Elles doivent être considérées sous trois aspects.

1°. Il y a des armoiries de domaine pures & pleines, comme celles de France.

2°. De domaine de présentation, comme elles sont aux rois d’Angleterre, qui portent les armes de France avec celles de leur nation.

3°. De domaine d’union; ce sont les armes de plusieurs royaumes jointes ensemble dans un même écusson, comme on voit aujourd’hui les armes d’Angleterre au premier & quatrieme de France & d’Angleterre, au deuxieme d’Ecosse, au troisieme d’Irlande, depuis que le roi d’Ecosse, Jacques VI. & premier du nom, roi d’Angleterre, succéda à cette couronne, après la mort de la reine Elisabeth en 1603, & unit en un même écusson les armes de ces royaumes, en prenant le titre de roi de France & de la Grande-Bretagne.

Les armes d’union se rencontrent encore dans les armes d’Espagne, depuis le mariage de Ferdinand, cinquieme roi d’Arragon, avec Isabelle, reine de Castille de Léon, qui lui apporta ces couronnes. Philippe V. & Charles III. en ont changé quelques dispositions.

2. Armes de dignité.

Il y a des armes de dignités intérieures & extérieures.

Les armes de dignités intérieures sont celles qu’une personne est engagée de porter comme marques de la dignité dont elle est revêtue. C’est ainsi que l’empereur porte l’aigle impérial.

Les électeurs, tant ecclésiastiques que séculiers, qui portent les armes de leur électorat.

Voyez les électeurs de Cologne & de Baviere dans l’explication de leurs armes.

En France les ducs & pairs ecclésiastiques portoient anciennement les armes de leur dignité au 1 & 4; au 2 & 3 celles de leurs maisons; mais à-présent ils en ont perdu l’usage.

Les armes de dignités extérieures sont toutes les marques placées hors l’écu, & désignant la dignité de la personne.

Le pape porte pour marque de sa dignité papale, son écu timbré de la thiare avec deux clés.

Les cardinaux, le chapeau rouge ou de gueule; les archevêques, le chapeau vert ou sinople.

Les couronnes, les colliers des ordres, les mortiers & masses de chanceliers, maréchaux de France, ancres d’amiraux, vice-amiraux, & généraux des galeres, étendards de colonels généraux de cavalerie, & drapeaux d’infanterie, &c. sont des armoiries de dignités extérieures.