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DESSEIN,
Contenant 39 Planches, dont 37 simples et une double.

LA collection que nous présentons ici, nous a paru devoir être rangée dans l’ordre que l’on suit ordinairement pour former des éleves, en les conduisant pas-à-pas des élémens les plus simples aux plus composés. M. Cochin le fils, qui a bien voulu agréer ce plan & en diriger l’exécution, a aussi enrichi ce recueil de la vignette & de plusieurs autres desseins. Il est inutile de faire l’éloge de ces morceaux; le talent de cet Artiste est assez connu. La vignette présente sous un même coup-d’œil les différentes classes, par lesquelles on passe successivement pour parvenir à la parfaite imitation de la nature, qui est le but de l’art.

L’art du Dessein, né de la sensation qu’ont éprouvé les hommes dans tous les tems à l’aspect du tableau de l’univers, est l’effet de l’hommage & du respect que nous rendons à la nature & à ses productions. Rien n’étoit si naturel à l’homme, que de chercher à retracer aux yeux de ses semblables une idée nette & ressemblante des objets qui l’avoient affecté, soit afin de perpétuer le souvenir des hommes qu’il regardoit ou comme ses bienfaiteurs, ou comme les bienfaiteurs de l’humanité; soit pour transmettre à la postérité ces évenemens, ces scenes intéressantes, que les circonstances des tems & des lieux, les moeurs, la religion, le costume & la nature du climat varient de tant de manieres différentes. Si l’on considere chaque objet en particulier, & combien d’objets concourent ensemble à former un tableau; quelles difficultés n’a-t-on pas dû rencontrer? combien d’especes différentes qui ont chacune des formes & des caracteres distinctifs dans chaque genre! Il n’existe rien dans la nature qui ne puisse avoir inspiré aux hommes la noble émulation de dessiner. Elle fut leur premier maître, comme elle le sera toujours; la raison leur donna des principes, & l’expérience leur fit trouver des proportions & des rapports qui ont applani bien des difficultés.

C’est à cet art poussé au plus haut degré de perfection que nous sommes redevables de la Peinture, de la Sculpture, de la Gravure.

Tous les genres font également honneur aux Artistes qui s’y distinguent, quoique les uns soient susceptibles de beaucoup plus de difficultés que les autres. L’étude de la figure qui comprend généralement l’imitation de la forme & des mouvemens du corps humain, la représentation de nos actions & de nos vêtemens; l’étude des animaux, du païsage, des plantes, des coquillages, des insectes, &c. sont des genres particuliers variés par les formes & les caracteres, mais tous fondés sur les mêmes principes, quant à la maniere de les exprimer, parce que la lumiere agit sur tous les corps de la même maniere, & avec la même harmonie. Chacun de ces genres se subdivise; par exemple, celui de la figure produit le genre de l’histoire, des batailles, du portrait, &c. Voyez Genre.

Le plus noble de tous ces genres est sans contredit celui-ci, par toutes les beautés qu’il présente. Que l’on considere les rapports & l’analogie des parties du corps qui doivent concourir à exprimer, par exemple, les passions des hommes, leur caractere, leurs actions, leur état, leur âge, leur force, &c. on conviendra facilement de ce que nous avançons, & que les difficultés des autres genres n’approchent pas de celles qu’il offre à chaque trait.

C’est donc par cette raison, toutes choses étant égales d’ailleurs, que nous nous sommes appliqués particulierement à traiter de la figure; les principes de ce genre étant bien connus, il est aisé d’en faire l’application aux autres, puisqu’ils peuvent s’exécuter de la même maniere & par les mêmes combinaisons.

L’Anatomie & la Perspective sont des sciences également nécessaires au genre dont nous parlons: l’Anatomie pour connoître la charpente du corps humain, c’est-à-dire les os qui modifient la forme extérieure du corps en général, & celle de chaque membre en particulier; pour donner aux muscles leurs véritables positions, & pour pouvoir les accuser convenablement à l’action qu’ils ont sur les membres & aux mouvemens qu’ils leur impriment. La Perspective, pour bien concevoir les plans d’une figure ou d’un groupe, voyez Groupe, pour exprimer les racourcis & la diminution des corps, à mesure qu’ils s’éloignent de l’œil du spectateur, & pour pouvoir mettre en même tems de l’intelligence dans les groupes de lumiere, & d’ombre par rapport aux plans qu’ils occupent. Les desseins de nos grands maîtres prouvent clairement qu’ils avoient fait une étude sérieuse de ces sciences, qu’ils regardoient comme la base fondamentale du dessein: en effet, lorsqu’on les possede, non-seulement on s’épargne beaucoup de tems & de peine, & l’on ne fait rien au hazard; mais tout ce que l’on dessine d’après nature, porte avec soi ce caractere de vérité & de précision qui frappe au premier coup-d’œil.

Pour parvenir à la pratique du dessein, nous avons représenté dans les premieres Planches de cet Ouvrage, les instrumens dont on se sert, suivant les différentes manieres dans lesquelles on veut traiter son dessein; comme le porte-crayon, l’estompe, le pinceau, la plume. Voyez Planche II. Le compas, la regle, le chevalet, le pantographe, la chambre obscure, le mannequin sont regardés comme des moyens de faire plus commodément ou plus facilement les différens objets que l’on a à copier. Voyez Planches III. IV. V. VI. VII.

Quoique nous joignions à chaque Planche une explication qui en indique le sujet, & l’application que l’on en doit faire, nous croyons cependant nécessaire de dire quelque chose sur la maniere de se conduire en dessinant d’après le dessein, d’après la bosse & d’après nature.

Dessein d’après l’exemple.

La Planche VIII. de ce recueil représente des ovales de têtes, vues de face, de trois-quarts, de profil, levées, baissées, panchées, &c. C’est par-là qu’un éleve doit commencer: il doit s’exercer à les tracer au crayon jusqu’à ce qu’il en ait saisi les divisions, & les lignes sur lesquelles sont posés les yeux, le nez, la bouche, & les oreilles; parce que c’est de ce principe bien conçu que l’on parvient à mettre une tête ensemble, dans quelque situation qu’elle soit. Il copiera ensuite toutes les parties de la tête prises séparement, c’est ce que représentent les Planches IX. & X.

L’éleve passera ensuite aux têtes entieres, Pl. XI. & fera usage des principes qu’il vient de copier, c’est-à-dire, par exemple, qu’il doit faire attention que les lignes sur lesquelles sont placés les yeux, le nez, la bouche, & les oreilles, sont paralleles entr’elles, & que, quoique ces lignes ne soient point tracées sur l’original qu’il a devant lui, ce principe y est observé. D’après ces considérations, il commencera par tracer ou esquisser légérement le tout ensemble: en comparant les parties les unes avec les autres, & aux distances qui les séparent, il s’assûrera si son dessein est conforme à l’original; alors il donnera plus de fermeté à cet ensemble, c’est-à-dire qu’il assûrera davantage ce qu’il vient d’esquisser; puis il y ajoutera les ombres, en suivant exactement son original. Il établira d’abord les principales masses d’ombres, qu’il adoucira vers la lumiere par des de-