Page:Encyclopedie Planches volume 4.djvu/238

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de kinnor, qui avoit alors la forme d’un triangle acutangle ou d’un *D, portant simplement neuf cordes. Les Grecs, c’est-à-dire les Syriens, les Phrygiens (Mém. des Insc. T. IV. p. 126.) l’employerent sous le nom de trigonon, à cause de sa figure, & le monterent d’un plus grand nombre de cordes, lesquelles étoient relatives à leur systême de musique. Voyez Lyre, Systeme, Echelle ou Gamme. Ensuite les Celtes, peres des Gaulois & des Germains, ainsi que les Anglo-Saxons, se distinguerent par leur goût pour la Musique, & prin-cipalement par la maniere de pincer cet instrument; & si pendant plusieurs siecles écoulés la harpe paroît avoir été oubliée, elle a cela de commun avec tous les Arts en général, qui n’ont repris vigueur qu’après la renaissance des Lettres. Il étoit enfin réservé à nos jours de voir cet instrument porté à un degré de perfection qu’il n’a jamais pu avoir. C’est par cette raison que nous croyons nécessaire de nous étendre ici un peu, tant sur sa construction, son méchanisme, que sur son étendue & sur la maniere de le pincer. Nous pensons d’autant mieux encore le devoir faire, que cet instrument auquel nul autre n’est comparable, est le seul aujourd’hui qui triomphe à juste titre, & qui devient l’objet de l’amusement d’un sexe né sensible, qui, loin de se refuser aux émotions que la harpe sait exciter dans nos ames par la douceur de son harmonie & la fuavité de ses sons, lui prête encore des secours favorables, afin d’en augmenter le charme.

Description abrégée de la Harpe organisée.

Cet instrument haut environ de quatre piés, est de la figure à-peu-près d’un triangle scalene, c’est-à-dire à trois côtés inégaux. La harpe est composée de trois parties. Le corps principal, celui qui réfléchit le son des cordes, & qu’on appelle par cette raison le corps sonore, se construit de huit pans de bois assemblés & collés les uns près des autres, sur lesquels la table est posée. Cette table est de sapin, & a six ouies ou ouvertures faites en forme de treffle, de rosette ou autrement. Le corps supérieur qu’on appelle en Allemagne clavier, & en France console, à cause de sa figure, est percé d’autant de trous, & porte autant de chevilles de fer qu’il y a de cordes; & le troisieme corps appellé bras, qni n’est considéré, relativement à la construction de la harpe, que comme un arcboutant nécessaire au soutien des autres corps, renferme intérieurement sept tringles mobiles correspondantes à autant de ressorts pratiqués dans le clavier, lesquelles sont dirigées dans l’angle le plus aigu, ou le pié de l’instrument, par des leviers attenant à sept pédales de fer destinées à l’action des piés. Par ce mouvement méchanique les ressorts agissent dans le clavier & font mouvoir des crochets par le moyen desquels les cordes sont attirées & fixées sur de petits sillets, en sorte que par la distance proportionnée de ces sillets aux chevilles, les cordes de même nom, octaves les unes des autres, & par ce moyen raccourcies d’un seizieme de leur longueur, deviennent plus aiguës, lorsqu’on les pince; delà les demi-tons. Ce méchanisme très-ingénieux a été inventé, afin de rendre cet instrument susceptible de toutes les modulations possibles.

Les harpes organisées ont à-peu-près l’étendue d’un clavecin à grand ravalement; elles sont montées ordinairement de 33 ou de 35 cordes diversement colorées, dont la plus grave est à l’unisson du premier si bémol des basses du grand clavier, & la plus aiguë à l’unisson du dernier fa ou du dernier la dans les dessus, c’est ce qu’indiquent dans la table générale du rapport de l’étendue des voix & des instrumens comparés au clavecin, Pl. XVIII. les nombres 33 & 1, termes extrêmes qui renfermant tous les intermédiaires, répondent aux autres cordes. Quelques harpes ont une corde au grave de plus, laquelle répond au la des basses du clavier: c’est ce qu’on indique dans la même table par une astérique; d’ailleurs cette addition n’est pas générale. Quant à la diversité des couleurs qui regne entre ces cordes, elle est telle que toutes les cordes qui sonnent l’ut, sont rouges, & que toutes celles qui sonnent le fa, sont bleues; les autres restent blanches, c’est-à-dire de la couleur qui leur est naturelle.

Ce qui devient une autorité de plus pour l’opinion que cet instrument étoit en usage chez les Grecs; car ceux qu’ils employoient, comme nous l’avons déjà dit, sous le nom de trigonon & de simichon, étoient montés du tems de Timothée le Milésien selon son systême, c’est-à-dire chromatiquement, & les cordes répondoient aux caracteres peints colorés ou marqués, du mot chroma. Or ce systême portoit donc alors les cordes appellées mobiles de différentes couleurs; celui de la harpe détermine exactement ces mêmes cordes de quatre en quatre, donc il ne differe aucunement à cet égard de l’ancien systême des Grecs. Ainsi, puisque les ut & les fa, appellés chez ces peuples hypaton chromatiqué, meson chromatiqué, synemmenon chromatiqué, diezeugmenon chromatiqué, hyperboleon chromatiqué, sont encore les mêmes cordes chromatiques ou colorées qui subsistent actuellement dans la harpe, cela sert à prouver plutôt l’ancienneté de cet instrument, que les moyens d’en faciliter la pratique, ainsi que le prétendent la plupart; car il importe-roit fort peu d’ailleurs, pour l’exercice des doigts, que ces cordes fussent d’une seule couleur, ou qu’elles le fussent de plusieurs. Ne voit on pas même encore des claviers d’orgue & de clavecin, dont les touches ou marches sont aux uns de couleurs opposées à la couleur de celles des autres? Ce qui sert à prouver qu’il y a dans ce fait plus d’arbitraire que de nécessité.

L’accord général & diatonique de toutes les cordes à vuide de cet instrument est toujours dans le ton de b-fa-si bémol, comme celui qui est le plus commode, eu égard à la fonction des pédales, qui est de hausser toutes les cordes au moyen desquelles tous les si & les mi bémols deviennent naturels, & montent la harpe au ton de C-sol-ut, lorsqu’il s’agit de jouer dans ce ton, & ainsi du reste à l’égard des autres tons, quand il est nécessaire. La maniere d’accorder la harpe, est la même que celle dont on use pour accorder les clavecins, c’est-à-dire en altérant un peu chaque quinte jusqu’à ce que la derniere se trouve naturellement d’accord d’elle-même. Voyez Partition, Tempérament. Ainsi par ce moyen & celui des sept pédales, la harpe se trouve exactement accordée relativement à tous les sons ou modes possibles.

La harpe se pince des deux mains; la main gauche est principalement destinée aux basses, & la droite aux dessus. On tient cet instrument entre les jambes, le corps sonore appuyé contre l’épaule droite, pour avoir la facilité d’agir de l’un & de l’autre côté, en observant toujours de pincer les cordes le plus près possible de la table, afin que les sons en soient plus moelleux, plus suaves.

Quant aux sept pédales, il y en a trois du côté du pié gauche, & quatre du côté du pié droit: les trois premieres portent le nom de pédales de si, d’ut, de re; les quatre dernieres, celui de pédales de mi, de fa, de sol, & de la, du nom des cordes qu’elles alterent, & leur effet est tel qu’on le voit indiqué, Pl. XVIII. dans les cellules qui répondent au clavier par les trois lettres droites & les quatre penchées de la premiere octave au grave qui fait mouvoir en même tems les trois autres octaves à l’aigu, désignées par des petites lettres & des points correspondans.

Voici maintenant le développement de toutes les parties qui composent la harpe organisée.

Description de toutes les parties qui composent la Harpe organisée.

Fig. 1. Pl. XIX. A a b le corps sonore de la harpe, creux en dedans. A a la table. c c la bande où sont attachées toutes les cordes par le moyen d’autant de petits boutons. e e e les ouies. b le dos de la harpe.

B le bras ou montant, creux en dedans. Lorsque les harpes sont simples, c’est-à-dire sans pédales, & qu’on appelle petites harpes, ce bras est plein.

C console garnie de chevilles, sur lesquelles s’attachent toutes les cordes. f f f les chevilles qui tendent les cordes. g g crochets ou sabots, qui en pinçant les cordes, rendent les sons diesés ou bémols. Voyez la fig. 2.

D pié de la harpe, ou cuvette. s, u, r sont des pédales