Page:Engel - Traité de la nature, de la culture, et de l'utilité des pommes de terre, 1771.djvu/45

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Examinons tout ſans prévention, d’après les faits & les règles de la ſaine raiſon.

1°. Le premier article n’eſt pas hors de conteſte ; outre qu’il ſe trouve de ces bleds de Mars, qu’on ne ſait où employer, & qui ſont, en temps d’abondance, preſque pour rien ; un ami cultivateur, m’ayant entr’autre aſſuré, qu’il y a environ quinze ans, il avoit été obligé de vendre le mecle du printemps, grande meſure, à quatre batz. Les autres graines, en effet très bonnes & recommandables, & ce pain qu’on en fait, ne ſont ſuperieurs que par le goût, dont il ne faut pas diſputer.

Pour rendre un peuple heureux, il faut principalement être attentif à lui procurer abondance de vivres, d’une nourriture ſaine & agréable ; que ce ſoit du pain, dont une moitié de l’Europe uſe, ou de pommes de terre, qui fait la nourriture de l’autre moitié ; des maniocs, pattates, ignames, qui eſt celle de tant de millions d’hommes, ſur-tout en Amerique ; du ris, comme chez la moitié des Aſiatiques, tout eſt indifferent ; les habitans des bords de la mer ſeptentrionale ne changeroient pas leurs poiſſons ſecs contre du pain, ni les ſauvages du milieu des terres leur gibier : pourvu donc qu’ils ſoyent contents, bien nourris, autant & plus ſains que ceux qui ne crient qu’après le pain, & que le but ſuſdit, l’unique qu’on doive ſe propoſer, ſoit rempli, il ne peut y avoir de conteſte ſur la préference. On croira qu’on n’en uſe pas faute de le connoître ; on ſe tromperoit. Dans les Antilles,