Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/40

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On me dit que le front est ravi de savoir le civil embêté. Dans les tramways, on entend : « Ce n’était pas la peine de blaguer les Allemands pour faire pareil qu’eux. » L’orgueil jouant un rôle énorme dans la guerre, il faut une inexorable nécessité pour offrir à l’ennemi, en l’imitant, l’occasion de sourire.

— Dialogue avec un député, pourtant socialisant :

Moi. — Je m’étonne qu’au programme du Comité secret on n’ait pas mis les buts de guerre.

Lui. — Oh ! Ce serait un élément de dissension. Il n’y aurait pas deux députés du même avis. C’est trop tôt. Il faut vaincre d’abord.

Moi. — Mais, vaincre, c’est atteindre un but. Il faut donc le connaître.

Lui. — Eh bien, pour moi, la rive gauche du Rhin me plairait assez.

Moi. — Quoi ? Vous combattez au nom du droit, pour qu’on ne dispose plus des peuples sans leur consentement, et vous voulez annexer des peuples de race allemande, commettre le même délit que les Allemands ont commis en 1871 en annexant l’Alsace-Lorraine, et réinstaller l’abcès au flanc de l’Europe ?

Lui. — C’est une telle garantie qu’une frontière forte !

Moi. — La frontière forte ? Mais on la tourne. Les Allemands n’ont pas abordé notre frontière de l’Est. Ils sont passés par la Belgique.

Lui. — Oh ! Il est certain que je me contenterais encore de l’Alsace-Lorraine.

— Le 24. Anatole France et Tristan Bernard déjeunent chez Mme B… Painlevé et Pierre Loti viennent dans l’après-midi. Painlevé nie les projets de démission de Briand. Il a eu avec celui-ci une grande explication, où il l’a assuré qu’il le trouverait à ses côtés pour toutes mesures salutaires. Il annonce qu’il n’y aura pas grand changement pour le Haut-