Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/64

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particulier — qu’il va s’en aller. On parle d’un ministère Ribot. Ce serait le vœu de Poincaré.

— Le dessinateur Forain, tombé à la plus profonde réaction, blâme le message de Wilson : « Je ne demande pas de conseils à mes fournisseurs. » Et la nationaliste « Idea Nazionale » s’écrie : « Que Wilson nous laisse faire notre histoire avec notre sang ! » Il est vrai que cela est écrit du fond d’un fauteuil.

— L’inanité des guerres apparaît en éblouissements. Par exemple quand on voit, il y a cent ans, les Anglais alliés aux Empires Centraux contre les Français, et soufflant alors la haine de la France, l’amour de la Prusse et de l’Autriche… Et penser aussi que les Italiens doivent nous inspirer beaucoup d’affection et d’admiration parce qu’ils se sont mis de notre côté et que nous devrions leur trouver tous les défauts et les couvrir de toutes les injures s’ils étaient restés dans la Triple-Alliance.

— En sortant du restaurant d’Orsay, je vois à l’une des tables Herriot, parmi des convives de son entourage. La face géante, à grands traits, intelligente et sensuelle, crinière haute. Il est tout animé de paroles et de mangeaille. Coïncidences : le matin même, vient de paraître son arrêté des « Deux plats ».

— Quand je parle au nom du pacifisme et de l’humanité, on m’objecte : « Alors ? Vous les auriez laissés entrer ? » La réponse est plus compliquée que la question. Peut-être aurait-on empêché la guerre en créant, des deux côtés des frontières, une autre mentalité. Chez nous, en ne prêchant pas le Réveil national, la guerre inévitable, en n’élisant pas Poincaré, emblème pointu de la Revanche.

Mais laissant cela de côté, je réponds : « Non, je ne les aurais pas laissés entrer. Si ma maison et les miens étaient attaqués par un voisin brutal et fou,