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L’AMI FRITZ.


Non, tous vos plaisirs de garçon, tout cela n’est rien. (Page 15.)


Higuebic finirait par croire que le coin de ma maison est à lui ; depuis quarante-cinq ans qu’il nous ennuie tous, mon grand-père, mon père et moi, c’est assez ; il est temps que cela finisse ! »

Ainsi rêvait Kobus en s’habillant ; l’habitude de dormir à la ferme, sans autre bruit que le murmure du feuillage, l’avait gâté. Mais après le déjeuné il ne songeait plus à cette misère. L’idée lui vint de mettre en bouteilles deux tonnes de vin du Rhin qu’il avait achetées l’automne précédent. Il envoya Katel chercher le tonnelier, et se revêtit d’une grosse camisole de laine grise, qu’il mettait pour vaquer aux soins de la cave.

Le père Schweyer arriva, son tablier de cuir aux genoux, le maillet à la ceinture, la tarière sous le bras, et sa grosse figure épanouie.

« Eh bien, monsieur Kobus, eh bien ! fit-il, nous allons donc commencer aujourd’hui ?

— Oui, père Schweyer, il est temps, le markobrunner est en fût depuis quinze mois, et le steinberg depuis six ans.

— Bon… et les bouteilles ?

— Elles sont rincées et égouttées depuis trois semaines.

— Oh ! pour les soins à donner au noble vin, dit Schweyer, les Kobus s’y entendent de père en fils ; nous n’avons donc plus qu’à descendre ?

— Oui, descendons. »

Fritz alluma une chandelle dans la cuisine : il prit une anse du panier à bouteilles, Schweyer empoigna l’autre, et ils descendirent à la