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L’AMI FRITZ.


Cette herbe est trop grossière pour moi. (Page 30.)

« Oh ! que c’est beau, dit-elle, que c’est beau !

— Bah ! fit-il, ça, ce n’est encore rien. Mais tu vas entendre quelque chose de magnifique, le Siège de Prague ; on entend rouler les canons ; écoute un peu. »

Il se mit alors à jouer le Siège de Prague avec un enthousiasme extraordinaire ; le vieux clavecin bourdonnait et frissonnait jusque dans ses petites jambes. Et quand Kobus entendait la petite Sûzel soupirer tout bas : « Oh ! que c’est beau ! » cela lui donnait une ardeur, mais une ardeur vraiment incroyable ; il ne se sentait plus de bonheur.

Après le Siège de Prague, il joua la Cenerentola ; après la Cenerentola, la grande ouverture de la Vestale ; et puis, comme il ne savait plus que jouer, et que Sûzel disait toujours : « Oh ! que c’est beau, monsieur Kobus ! oh ! quelle belle musique vous faites ! » il s’écria :

« Oui, c’est beau ; mais si je n’étais pas enrhumé, je te chanterais quelque chose, et c’est alors que tu verrais, Sûzel ! Mais c’est égal, je vais essayer tout de même ; seulement je suis enrhumé, c’est dommage. »

Et tout en parlant de la sorte, il se mit à chanter d’une voix aussi claire qu’un coq qui s’éveille au milieu de ses poules :

Rosette,
Si bien faite,
Donne-moi ton cœur, ou je vas mourir !

Il balançait la tête lentement, la bouche ouverte jusqu’aux oreilles, et chaque fois qu’il