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LA MAISON FORESTIÈRE.

C’est le dernier burckar. (Page 53.)


avertir ; ils pourraient bien n’avoir pas tout à fait tort ; mais nous ne le saurons pour sûr que plus tard, lorsque nous serons nous-mêmes au nombre de ces âmes errantes.

Enfin Honeck n’avait pas une minute de repos ; toujours l’idée de l’animal étrange qu’il avait poursuivi lui revenait ; tantôt il voyait sa piste dans les marais du Losser, tantôt sous les bruyères du Hôwald, tantôt près des ronces de la roche des Trois-Epis, à deux pas de la caverne ; et, d’après cette piste, il cherchait à se faire une idée de la force et de la grandeur de l’animal. Puis il se demandait comment il n’avait jamais remarqué cette trace, lui qui depuis trente ans avait vu mille fois toutes les pistes de la forêt, et qui d’un coup d’œil reconnaissait le passage d’un écureuil sur les feuilles desséchées ! « Il faut donc que cette bête soit sortie de dessous terre, se disait-il, qu’elle ait passé la mer, ou qu’on l’ait chassée de la Pologne et de plus loin encore. »

En songeant à la surprise du comte, il éprouvait une grande joie, et pourtant quelque chose lui serrait le cœur ; alors il se levait, et, les deux coudes au bord de sa lucarne, entourée d’une guirlande de feuillage comme toutes les autres, il regardait dans la cour ténébreuse, respirant l’odeur des feuilles et des fleurs qui couvraient les murs et le pavé, comme aux processions de la Fête-Dieu. Il voyait confusément dans l’ombre des groupes d’ouvriers pendus aux échelles le long des rampes et des galeries, attachant les étendards, les bannières et les guirlandes. Les torches, courant dans