Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/131

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Une indéclinable solidarité enchaîne toutes les manifestations de la vie, tous les temps et tous les hommes. Voltaire et Rousseau, penseurs, communiquent les impressions de leurs âmes à leurs contemporains. Dans la génération qui leur succède, l’émotion qu’ils ont fait naître se traduit par des actes. Qui oserait soutenir que la pensée de Voltaire et celle de Rousseau n’aient pas eu autant de part dans la Révolution française que les bandes de Maillard et de Barbaroux ? Ces deux philosophes n’ont-ils pas sonné le tocsin et battu le rappel de cette révolution, dans laquelle l’Europe fut jetée tout entière sur les champs de bataille ?

On dit force du caractère et force du bras, force armée et force du génie, force de conception et force de réalisation. Ce sont là en effet autant de manifestations ultra-puissantielles de l’être humain. Dans leurs effets comme dans leur essence, l’Idée et la Force sont identiques. Tour à tour vaincues l’une par l’autre, elles assurent le triomphe de notre existence. Voilà ce qu’il nous importe de savoir : que ce sont deux puissances réelles et conservatrices pour tous.

Ne dites donc pas avec les despotes : la Force est tout. Ne dites pas avec les philosophes : Il n’est rien que l’Idée. Ne dites pas que l’Idée est toujours victorieuse. Ne dites pas non plus que la Force parvient toujours à comprimer. Car toute force est bonne ; toute idée est bonne aussi ; et chacune accomplit en son temps sa tâche humanitaire. La Force est-elle inutile quand elle éventre les montagnes et brûle les trônes ? L’Idée est-elle superflue quand elle projette au loin les vives lumières qu’elle secoue de sa chevelure embrasée ? La Force et l’Idée marchent en sens inverse ; l’Épée et la Plume ne sauraient accomplir la même tâche. La Guerre précède la Civilisation, comme, au sein de la forêt vierge, la Hache fraie le chemin à la Bible. —