Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/15

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et des alliances faciles avec les partis ; elle me prive de tout et me tient lieu de tout ; elle est l’aiguillon de mon activité, la poésie de ma douleur, l’âme de mon âme et la vie de ma vie ; elle est ma maladie et ma santé, ma faiblesse et ma force ; mon être enfin. Depuis, bien souvent, et de jour et de nuit, je suis revenu sur elle, la trouvant toujours juste et victorieusement soutenable, me reprochant toujours la trop voluptueuse paresse qui m’entraîne a rêver beaucoup, à réaliser peu.

Aujourd’hui cependant, je suis forcé de céder à l’impérieuse sollicitation des événements et à celle de mon impatience. Aujourd’hui, cruel supplice ! je prends le parti de rédiger en vue de l’imprimeur. Cette dernière phrase surprendra très-fort, je m’assure, ce tas de gens qui jamais n’analysèrent leurs plus intimes pensées. Cependant le sentiment que j’exprime est naturel, à coup sûr. Je plains ceux qui ne savent pas quelles émotions délicieuses procurent à l’âme toute pensée, toute passion renfermées au plus profond de nous ! Et quelle violence subit notre égoïsme sybarite quand il faut nous montrer définitivement galants avec cette immense cohue qu’on appelle l’opinion.

« — Tiens ! Celui-là, dira quelque facétieux de l’émigration : qui donc le contraint ? » — « Et vous, badaud, qui donc vous oblige à signer des programmes que vous n’approuvez pas ?.... Nous recherchons tous deux la même chose. Si vous êtes franc, vous direz quoi. »


II.   Que celui qui n’a pas craint d’avancer une vérité scandaleuse ne craigne pas de la soutenir ; s’il a pu la concevoir, il saura la défendre. Car toute semence contient le germe de son développement. Il y a un chêne dans chaque gland qui tombe, et dans chacun des jeunes hommes qui traînent leurs ennuis par le monde, un philo-