Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/183

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n’est point fière, et qu’abrutie par des despotismes sauvages, elle ne se bat que sous le knout. Mais quels peuples ont donc plus souffert que les Slaves dans la poursuite de leur émancipation ? Quels hommes ont été plus martyrisés qu’eux dans la Russie, la Servie, la Bohème et la Pologne ? Quels pays plus impitoyablement dominés que les leurs par les races étrangères : par les Mongols, les Tartares, les Turcs, les Lithuaniens ? quelle famille nationale compta jamais plus de morts, d’exilés, de prisonniers ? Quelle gémit plus longtemps sous la barbarie asiatique, l’orgueil allemand, l’autocratie orientale ? De quelles guerres, sinon des leurs, retentit l’Europe depuis trois siècles, de la mer Blanche à la mer Noire, de la Seine au Volga ? Sur quelles poitrines se brisèrent les épées des plus grands capitaines, de Charles XII et de Napoléon ? Quels guerriers surent épuiser, par leur patience indomptable, la fougue des ennemis les plus vaillants ? Les Slaves, toujours les Slaves ! Il semble que ces peuples mourraient s’ils ne pouvaient plus vivre au milieu des batailles, s’ils supportaient une tyrannie dont ils eussent conscience et qui ne leur promît pas la gloire !

Et depuis un siècle, quelles sont les nations dont les agonies furent le plus courageuses et qui ne purent jamais s’accoutumer au joug ? Toujours les nations slaves : la Pologne, pendant un demi-siècle de guerres et de révolutions héroïques : la Servie, la Moldo-Valachie, la Bulgarie, les Hellènes !

Dans ces séculaires révoltes, la fierté des Slaves s’est fortement trempée, leurs bras sont devenus forts, leurs cœurs se sont aguerris ; leurs oreilles se sont habituées aux hurrahs du carnage, aux gémissements des vaincus. Servitude oblige d’ailleurs : les peuples restés longtemps esclaves sont capables de plus de sacrifices que nous pour conquérir la liberté !