Page:Ernest Renan - Le livre de Job, Calmann-Levy, 1860.djvu/96

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Aussi les doutes de l’Ecclésiaste et de Job ne préoccupent-ils le peuple qu’aux moments où il n’a pas une vue très-claire de ses devoirs. Nulle trace d’un tel doute chez les prophètes. On ne le trouve que chez les sages, presque étrangers au grand esprit théocratique et à la mission universelle d’Israël.

Aux époques mêmes où les Juifs imposèrent leur pensée au monde, peut-on dire que ce soit par l’immortalité philosophique qu’ils aient consolé l’homme et l’aient élevé à l’héroïsme du martyr ? Non certes. La résurrection fut pour eux non la revanche de l’individu contre les injustices de la vie présente, mais la révolution qui devait substituer au triomphe actuel des puissances brutales le règne d’une céleste et pacifique Jérusalem. C’est avec l’espérance d’un bouleversement final qui serait l’avènement du royaume de Dieu sur la terre, que le christianisme conquit le monde[1]. En cela le christianisme nais-

  1. Le dogme de l’immortalité de l’âme dans le sens