Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/173

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avons dit que la Révolution qui se proposait pour but ( premier le bonheur du peuple, voulut systématiquement et avec la persistance d’une idée fixe supprimer toutes les inégalités, et fut entraînée à faire à la richesse et aux riches une guerre de plus en plus implacable. Nous ne prétendons pas qu’une lutte colossale contre l’étranger et ses immenses besoins furent sans influence sur ces mesures spoliatrices ; mais d’abord la courbe du péril national ne suit point celle des rigueurs exercées contre les riches ; commencées avant la guerre, celles-ci se prolongent longtemps au delà de nos victoires. À vrai dire, et en général, pour les sévices contre les personnes comme pour les sévices contre les propriétés, le péril national fournit plutôt un prétexte et un libre champ aux excès de la démagogie qu’il n’en fut la cause[1]. Si les massacres de septembre ont été en partie provoqués par la peur réelle de complots imaginaires, plus tard, quand la Commune disposa d’une force armée, l’accusation de conspirer contre la République, accompagnement obligé de toutes les harangues par lesquelles les partis cherchaient à pousser leurs adversaires sous le couteau de la guillotine, fut un procédé de rhétorique qui ne trompait plus que les naïfs : c’est quand les anciens citoyens actifs furent tous désarmés et les modérés réduits à l’impuissance, qu’on put en sécurité les incarcérer et taxer les riches comme conspirateurs ; les accusations et les confiscations se multiplièrent et s’aggravèrent en raison inverse des obstacles que les modérés pouvaient opposer à la Révolution, en raison inverse du péril réel qu’ils pouvaient faire courir à ses promoteurs. On ne dépouille que l’ennemi à terre. Et

  1. Par exemple, dans deux villes également proches de l’ennemi, Arras et Douai, il y eut là 540, ici 8 exécutions capitales. Douai n eut pas son Joseph Le Bon, c’est la seule cause de cette différence.