Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/175

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sans fournir aucun prétexte de dire que vous avez violé les lois, vous donnerez l’impulsion aux départements qui s’uniront à vous pour sauver la liberté. » Il est certain que, n’eût été cette préoccupation des contre-coups possibles de toute résolution portant atteinte à la propriété, lui et la Montagne avec lui se seraient avancés beaucoup plus hardiment qu’ils ne l’ont fait à la suite des philosophes.

C’est ce qu’on peut observer, si nous ne nous trompons, dans les lois qui furent portées par la Convention sur l’organisation économique de la famille. D’après les déclarations faites en 1791 par Robespierre sur le droit de tester, il semblait que le retour de la propriété au domaine public après le décès de chaque propriétaire dût figurer un jour dans le programme jacobin. Mais pour cette fois tout l’effort de la doctrine individualiste s’épuisa dans la suppression du droit d’aînesse, trait essentiel de la famille féodale. Aucun conventionnel ne réclama la suppression de l’hérédité des biens. On s’applaudit au contraire de trouver dans le partage égal des biens entre les descendants un de ces moyens prudents et efficaces recommandés par Montesquieu pour empêcher l’accumulation des richesses dans les mêmes mains. Le 11 mars 1793, le droit de tester fut aboli. Puis les lois du 5 brumaire et du 17 nivôse an II, rendirent au père une quotité disponible très minime (le dixième), sans lui permettre de l’attribuer à ses héritiers ab intestat ; la part de l’un des enfants ne pouvait donc être grossie de ce dixième laissé disponible. Toujours pour assurer la division, la représentation fut admise à l’infini et les enfants naturels, même les enfants adultérins furent reçus au partage avec les enfants légitimes. Enfin toute distinction entre les biens selon qu’ils venaient du côté paternel ou du côté maternel fut effacée ; ils ne purent remonter en suivant l’une ou l’autre ligne