Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/189

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nouveaux pillages et de nouveaux massacres, à laquelle s’ajoute maintenant la crainte des arrestations individuelles et des perquisitions domiciliaires. Est riche et se sent suspect ou près de l’être, tout individu qui possède quelques économies ou seulement a pu rassembler quelques provisions. Même après Thermidor, quand la loi des suspects cessa d’être appliquée, les rumeurs annonçant des désordres imminents, la menace d’insurrections exterminatrices, la peur de dangers vagues auxquels les « riches » seraient exposés, reviennent périodiquement. Ni les propriétaires, ni ceux qui aspiraient à le devenir par le travail et l’épargne ne pouvaient retrouver la sécurité que dans la défaite du parti qu’on appelait le parti des terroristes. Dès 1793 les modérés se comptaient ; peu à peu ils s’enhardirent à la résistance et, non sans lutte, le règne des sans-culottes prit fin.

I Il n’est pas étonnant que les riches, contre lesquels tout le système était dirigé, n’aient eu pour « la faction » que de la haine. Mais les pauvres, ceux du moins qui n’étaient pas enrégimentés ou soldés, n’étaient ni plus heureux de cet état de choses, ni plus attachés à sa conservation. À aucun moment de notre histoire ils n’ont plus souffert. Tous les objets nécessaires à la vie étaient distribués selon l’ordre des arrivées, également : queue pour le pain, queue pour la viande et les légumes secs, queue pour le charbon, queue pour le bois, queue pour le billon. Plus de beurre, plus de savon, plus de chandelles. Les rations de pain descendirent à trois quarterons par jour et par tête. Le pain manqua dans certaines villes ; à Bordeaux, on distribua des noix et un peu de riz. Après la désuétude, puis le retrait des lois sur le maximum, l’abondance des vivres, contrebalancée par la rareté du numéraire, ne rabaissa les prix que lentement et ne fit que rendre la misère plus douloureuse par comparaison. Toutes les